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Affaire Glencore : Silence étrange sur les corrompus du Cameroun

Le 3 novembre 2022, la justice britannique a condamné le  géant suisse du négoce de matières premières, Glencore, pour des faits de corruption en Afrique. La firme devra verser 320 millions d’euros d’amende, environ 208 milliards de francs cfa. La condamnation judiciaire par la Southwark Crown Court de Londres faisait suite à un procès après une enquête lancée depuis 2019 sur les méthodes utilisées pour obtenir les contrats d’exploitation de pétrole. Elle a révélé que Glencore avait versé des pots-de-vin à hauteur de 28 millions de dollars pour d’obtenir un accès préférentiel au pétrole du Nigeria, du Cameroun, de Côte d’Ivoire, de Guinée équatoriale et du Soudan du Sud.

La firme avait déjà plaidé coupable en mai 2022, et en prononçant la sentence le 3 novembre, le juge Peter Fraser a relevé en plus des faits délictueux, « des dispositifs sophistiqués pour les dissimuler, y compris le prélèvement d’importantes sommes en espèces à des fins déclarées légitimes, utilisées à des fins de corruption, comme des dépenses liées à l’ouverture d’un nouveau bureau ».

Les faits

Pour revenir sur les faits, devant la Justice américaine, la multinationale Glencore avait avoué en mai 2022 qu’entre 2007 et 2018, elle et ses filiales à travers le monde ont payé environ 79,6 millions de dollars à des sociétés intermédiaires contre des avantages sur l’exploitation des puits de pétrole, à savoir obtenir et conserver des contrats avec des entités publiques et contrôlées par les États. Elle a reconnu avoir dissimulé les paiements de pots-de-vin en concluant de faux accords de conseil, en payant des factures gonflées et en utilisant des sociétés intermédiaires pour corrompre des fonctionnaires étrangers.

Pour le Cameroun, Glencore déclare avoir versé des pots-de-vin pour 7 milliards de FCFA à de hauts responsables de la Société nationale des hydrocarbures, de la Société nationale de raffinage et à des hauts fonctionnaires. « Dans certains cas comme au Cameroun, l’argent était viré vers le Nigeria, puis un agent nigérian prenait des jets privés pour amener les espèces au Cameroun », expliquait Me Akeré Muna à Radio France internationale

Silence complice

C’est ce dernier qui a porté l’affaire sur la place publique au Cameroun il y a 7 mois. Ancien président de l’ONG Transparency International et aujourd’hui membre du groupe de haut niveau de l’Union africaine sur les flux financiers illicites en provenance d’Afrique, Me Akéré Muna ex-bâtonnier de l’Ordre des avocats du Cameroun, avait saisi le 27 mai 2022 le président de la Commission nationale anti-corruption (CONAC ) pour dénoncer l’aveu de pratiques de corruption de Glencore Plc et les conséquences sur la SNH  et la SONARA. 3 jours après, Adolphe Moudiki le directeur général de la SNH  depuis 1993 soit 29 ans, dans un communiqué en date du 30 mai 2022, disait ne pas se reconnaître dans cette affaire dont il avait pris connaissance par voie de presse. Il disait alors avoir saisi les autorités américaines et anglaises pour obtenir « les éléments qui permettraient d’établir la véracité de ces allégations », et promettait d’informer l’opinion publique « en temps opportun » de la suite réservée à la demande de sa structure.

Pour la SONARA, le directeur général Claude Simo Njonou nommé en 2019 ne s’est pas senti concerné par l’affaire qui se déroule entre 2007 et 2018. De la prison de Kondengui, l’ancien directeur général entre 2002 et 2013 Charles Metouck,  a affirmé dans un communiqué n’avoir jamais signé un quelconque contrat avec la société Glencore du temps où il était à la tête de la SONARA. Ibrahim Talba Malla qui lui a succédé à ce poste de 2013 à 2018, ne s’est quant à lui,  jamais prononcé.

A moins qu’une partie des 208 milliards d’amende que devra payer Glencore ne soit redistribuée au pays concernée, le Cameroun, en restant silencieux, perd ainsi quelques milliards qui auraient aidé –Dieu aidant- à construire des salles de classes quelque part ou rallonger de quelques mètres les adductions d’eau dans les villes et campagnes. Sans compter que ce silence conforte dans leurs agissements ceux qui ont fait main basse sur les richesses du pays, et également fait des dessous de table… un mode de gouvernance.

Indifférence complice

Au moment donc où le corrupteur est condamné à Londres, on ne sait toujours pas qui est le corrompu au Cameroun. On observe un silence complice de la justice, du Parlement et du gouvernement : pas d‘auto saisine par la justice, pas de commission d’enquête parlementaire, par de communiqué du gouvernement pour éclairer l’opinion. Au lendemain du déclenchement de l’affaire, à l’ouverture de la session parlementaire du mois de juin, Joshua Osih, député et membre du bureau de l’Assemblée nationale, avait appelé à l’ouverture d’une enquête parlementaire, qui devrait permettre d’évaluer l’ampleur de la corruption dans le secteur pétrolier, mais aussi de déterminer le montant du préjudice subi par le Cameroun afin de faire payer par Glencore les dommages et préjudices de l’État. Sans succès. Le 7 juillet 2022, Me Akéré Muna annonçait sur son compte twitter ce qu’il appelait une bonne nouvelle. La veille 6 juillet disait-il, « j’ai reçu une lettre de la CONAC  m’informant qu’ils ont ouvert une enquête sur l’affaire de corruption Glencore. Les Camerounais attendent la vérité. Ils devraient simplement demander à Glencore qui ils ont payé. » Il faudra sans doute attendre au milieu de l’année 2023 le rapport 2022 de cette institution, pour avoir une idée de ce qu’elle aura trouvé. Entretemps Me Akéré Muna exprime sa déception : « Quand on parle de corruption, il y a corrompu, et corrupteur. Ce qui est le plus scandaleux, c’est que dans nos pays, on ne bouge pas. On dit que des personnes ont commis des crimes dans un pays.

Ma réaction est de dire : qui sont ces personnes ? Il doit y avoir une réaction de la justice et des agences contre la corruption ». Une enquête ouverte au Cameroun aurait permis non seulement de mettre la main sur les hauts fonctionnaires coupables, et peut être récupérer quelque chose, mais le Cameroun aurait en plus pu, alors que le procès se poursuivait devant les instances judiciaires étrangères, se constituer partie civile et demander des dommages et intérêts. A moins qu’une partie des 208 milliards d’amende que devra payer Glencore ne soit redistribuée au pays concernée, le Cameroun, en restant silencieux, perd ainsi quelques milliards qui auraient aidé –Dieu aidant- à construire des salles de classes quelque part ou rallonger de quelques mètres les adductions d’eau dans les villes et campagnes. Sans compter que ce silence conforte dans leurs agissements ceux qui ont fait main basse sur les richesses du pays, et également fait des dessous de table… un mode de gouvernance

 

Roland Tsapi, chronique sur Radio Balafon