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Cameroun. Affaire Mebe Ngo’o : les incohérences d’un verdict assassin

Reconnu coupable par le Tribunal criminel spécial, de surfacturations fictives dans le cadre de contrats pour l'achat de matériels militaires, l’ancien ministre délégué auprès de la présidence de la République chargé de la Défense écope de 30 ans de prison et voit également ses biens confisqués. Voyage dans le labyrinthe d’un « verdict politique ».

La sentence a fait grand bruit derrière les lambris dorés de certaines hautes institutions du pays, au sein de l’Armée, dans le sérail et même sur la toile, déchaînant une avalanche de commentaires et d’analyses. Placé en détention le 8 mars 2019, Edgard Alain Abraham Mebe Ngo’o a été condamné tard dans la nuit de mercredi dernier à 30 ans de prison ferme, en compagnie de son épouse condamnée à 10 ans de prison ferme, de son ami Victor Menye qui écope 9 ans de prison ferme et de ses deux collaborateurs, à 25 ans de prison ferme chacun. Ces condamnations sont accompagnées de déchéance, de lourds dommages et intérêts, d'amendes et de confiscation des biens des intéressés. S'il y a lieu de constater la main lourde du collège des juges, il faut cependant noter certaines incohérences et questionnements qui entourent cette procédure depuis le début. Le Messager qui a suivi de bout en bout ce procès kafkaïen a régulièrement fait le constat selon lequel certains des bourreaux de l’ex MINDEF  recrutés parmi des pontes du régime, manœuvraient sous cape pour enfoncer leur camarade placé sous mandat de dépôt au quartier spécial 14 à la prison centrale de Kondengui.

Ce d’autant plus qu’au fil des audiences, on observait comme une volonté de certains réseaux tapis dans l’ombre, de le maintenir au maximum en prison. Toute chose qui nous pousse légitimement à revenir sur les dessous qui ont entouré le verdict rendu tard dans la nuit. Primo, l'ex MINDEF  était poursuivi entre autre d'un détournement de biens publics d'un montant total de près de 220 millions Fcfa, il sera finalement déclaré non coupable du détournement du projet Polytechnologies d'un montant de 196.800.000.000 Fcfa et seulement coupable d'un détournement d'un montant total de plus de 23 milliards dont plus de 21 milliards de marchés fictifs.

De quoi avaient peur les juges ?

Comment peut-on établir les marchés fictifs dans un ministère de la Défense où tous les militaires ont été habillés à chaque 20 mai et où personne ne s'est plaint, sur la seule base d'un ancien fournisseur du MINDEF  et condamner à des peines si lourdes un ancien ministre de la Défense et son épouse, avec un Officier supérieur? Le TCS a-t-il sollicité le ministère de la Défense à s'expliquer sur l'effectivité des livraisons ? Comment on peut arriver à établir un détournement si important et à condamner des gens autres que les acteurs de la chaîne de passation et d’exécution de la commande publique ? Après avoir minutieusement suivi ce procès avec la peine du ministère public à apporter les preuves des accusations (il s'est contenté de reprendre l'ordonnance de renvoi Ndlr), les atermoiements des avocats de la partie civile qui ont reconnu eux-mêmes qu'il s'agissait d'un procès des biens mal acquis, comment est-on arrivé à établir une culpabilité de détournement, surtout après les brillantes plaidoiries de la défense ?

Rappelons au passage qu'à aucun moment de l'arrêt du jugement, prononcé avec gêne et difficulté par la collégialité des juges, il n'a été fait mention desdites plaidoiries. De quoi avait peur les juges pour avoir ainsi militarisé l'enceinte du TCS dès les premières heures avec un important déploiement des éléments du MINETAT/SGPR   armés jusqu'aux dents et ceux de la Gendarmerie, jusque dans la salle d'audience ? Ce qui a d'ailleurs créé un incident avec un avocat de la défense qui a dénoncé cette présence et exigé leur sortie de la salle d’audience. Qu'est-ce qui peut avoir causé le retard de plus de près de 4h qu'aura accusé le début de l'audience ?

Rôle trouble…venant d’en haut

Pour comprendre tous ces faits inhabituels et ces incohérences, le Messager a appris de sources dignes de foi que les condamnations prononcées ne reflétaient par la réalité du procès mais des instructions données à la collégialité des juges. En effet, saisi par la présidente du TCS, dame Annie Bahounoui Batende, « le ministre d’Etat/Secrétaire général de la présidence de la République a demandé la condamnation sévère et lourde de tous les accusés. Ainsi le Conseiller technique du Secrétariat général de la présidence de la République a rédigé le texte sur les exceptions de nullité pour finalement écarter l'exception de compétence du Tribunal militaire plaidée par Me Charles Nguini pour le compte de son client le Colonel Mboutou Elie Ghislain, ainsi que toutes les autres exceptions de nullité des conseils des autres accusés », confie sous cape notre source. Cela explique sans doute pourquoi on a vu les juges très mal à l'aise et tendus à la lecture de l'arrêt, confondant même les pages. Ils n'avaient d'ailleurs aucune gêne à corriger pendant la lecture leur document au bic, créant parfois des pauses inexpliquées. Ce qui était tout de même bizarre pour un travail pour lequel les juges ont eu 15 jours pour libérer.

Pis, les motivations lues laissaient transparaître qu'elles n'avaient pas tenu compte des plaidoiries de la défense, mais uniquement les déclarations sans preuves contenues dans l'ordonnance de renvoi, dont celles du coaccusé Mbangue abondamment citées pour lesquelles il s'était d'ailleurs rétracté. Quel aura été le rôle joué par le MINETAT/SGPR dans cette procédure où le préjudice est parti de plus de 200 milliards à seulement 23 milliards Fcfa ? Surtout lorsqu'on sait que l'ex MINDEF  avait fait part d'un haut responsable de la République qui avait promis de le mettre en prison en compagnie de sa femme. 

Batailles pour le contrôle du Pouvoir

Porté au Secrétariat général depuis dix ans, Ferdinand Ngoh Ngoh qui a puisé les sources de sa puissance entre milieux économiques et politiques, jouit aujourd’hui d’une grande parcelle de pouvoir à lui concédée par le Chef de l’Etat. Beaucoup d’analystes politiques avertis voient cette main noire du natif de Minta comme une guerre de tranchées au sommet de l’Etat. On n’a pas fini d’ergoter sur les réseaux d’influence, les manœuvres et les batailles pour le contrôle du Pouvoir. La preuve par 9 avec le verdict qui s’abat comme un couperet sur celui qui, avant de tomber en disgrâce, avait tout d’un homme d’Etat. Au-delà de sa discrétion légendaire sur laquelle il a bâti sa carrière de haut commis de l’Etat, il y’a cette fidélité jamais démentie envers Paul Biya qui le caractérise. Depuis qu’il a été interpellé et embastillé, Mebe Ngo’o n’a jamais bronché ; il est  resté taiseux, choisissant de souffrir en silence et de clamer sereinement son innocence dans cette affaire où plusieurs apparatchiks du régime ont toujours nourrit le rêve de le voir toucher le fond.

 

 

Le Messager