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Cameroun : «Le Cameroun c’est le Cameroun (LCCLC)» roule pour Maurice Kamto ? Un média Russe fait le procès du groupe Facebook qu’administre Mathieu Youbi

Les réseaux sociaux sont devenus de véritables arènes de la bataille politique au Cameroun. Alors que la succession à la tête du pays est plus que jamais au cœur des débats, de nombreux citoyens, au moyen de pages ou de groupes dédiés, se liguent régulièrement les uns contre les autres, donnant l’impression d’être toujours en campagne électorale.

Note : Cet article est de Sputnik, une agence de presse multimédia lancée par gouvernement russe

Le phénomène prend chaque jour un peu plus d’ampleur, deux ans après l’élection présidentielle qui a vu revenir Paul Biya pour un huitième mandat. À travers des comptes et des pages sur les réseaux sociaux, les militants et sympathisants des différentes formations du landernau politique au Cameroun s’adonnent à des actions de propagande permanente. Des groupes Facebook bien organisés avec de faux profils, ces milices d'un autre genre, se livrent une bataille sans merci où tous les coups semblent permis.

Partisans du pouvoir ou militants pour des partis d’opposition, le but de la manœuvre reste la même: polir l’image de leur champion en le défendant contre toute forme de menace et trouver des casseroles à l’adversaire. Au rang des plateformes les plus célèbres, le groupe Facebook «Le Cameroun c’est le Cameroun (LCCLC)», avec plus de 218.000 membres, est régulièrement accusé de rouler pour le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), le parti de l’opposant Maurice Kamto, le principal adversaire de Paul Biya.

Une proximité contestée par son promoteur Mathieu Youbi. Le groupe, dit-il, laisse libres tous ses membres de publier ce qu’ils veulent.

«Chacun est libre de poster et de débattre comme il l’entend. Si tous les membres défendent le MRC, c’est leur volonté. Pourquoi devrait-on les accuser et quel délit y a-t-il à soutenir ce que l’on veut?», s’interroge-t-il au micro de Sputnik.
Cependant, cette page réputée pour ses rixes reste perçue par une grande partie des internautes comme la base arrière digitale du MRC. Beaucoup d’autres groupes sont d’ailleurs nés sur le même modèle avant et après l’élection présidentielle d’octobre 2018 pour la contrecarrer.

Un air de campagne permanente
Dans un contexte dominé par des soupçons de transfert du pouvoir de gré à gré dans le camp de Paul Biya, à la tête du pays depuis 1982, les forces politiques en présence donnent l’impression d’être dans une interminable posture de campagne électorale. À grand renfort de chroniques, parfois de sabotages, inspirés du marketing politique, leurs militants se font la guerre par plateformes numériques interposées.

De véritables armées cybernétiques se sont ainsi constituées d’un côté comme de l’autre pour donner la réplique à des rivaux dont les capacités de nuisance ne sont pas négligeables. Se recrutant dans toutes les sphères, ceux-ci se sont vu affubler surnoms plutôt rocambolesques par leurs adversaires respectifs. «La meute» ou encore «les talibans» désignent les partisans de Maurice Kamto, en raison du caractère supposé virulent des attaques qu’ils mènent contre leurs adversaires. «Les Cabris», diminutif ironique de Cabral Libii, pointe les sympathisants de cet ancien candidat à la présidentielle qui dirige le Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN). «Les Sardinards», en référence aux sandwichs (pain-sardine) distribués régulièrement lors des rassemblements du parti au pouvoir, désigne tout soutien de Yaoundé.

Didier Ndengue, blogueur, fait partie des internautes dont les publications récurrentes visent à polir l’image du système gouvernant. Très souvent taxé de rouler pour le pouvoir de Yaoundé, il préfère se présenter comme un panafricaniste qui défend les intérêts de sa patrie.

«Mon parti pris, c’est la souveraineté de notre jeune nation, le Cameroun. Je suis aux côtés de tous ceux qui marchent sur les traces des nationalistes et des panafricanistes. Tous ceux qui prônent la paix, le partage et le vivre-ensemble seront toujours les bienvenus sur mes plateformes», se défend-il au micro de Sputnik.
Une stratégie bien huilée?
Or, des indiscrétions font état de ce que certains blogueurs et anonymes ayant une certaine influence sur la toile sont régulièrement payés par des partis politiques pour défendre leurs intérêts. «Archi-faux», s’insurge Didier Ndengue, pour ce qui le concerne. Il affirme faire son travail de manière bénévole dans le respect de ses convictions.

«Lyncher et saboter pour percevoir de l’argent? Non! Je n’ai pas eu cette éducation et j’en suis fier. Ce n’est pas notre rôle», conclut Didier Ndengue.
Plus incisifs, d’autres se dissimulent derrière de faux comptes pour mieux sévir en diffusant des messages de haine et de propagande. Dans l’opinion au Cameroun, l’on s’interroge sur la portée et les enjeux de ces empoignades dont la récurrence tend à en banaliser les conséquences.

Pour David Eboutou, analyste politique et consultant permanent sur une chaîne privée à Douala, «les différents acteurs politiques ont pris conscience de l’importance stratégique de cet outil qui, au-delà d’être des plateformes de relais instantanées de leurs discours, permet aussi de diffuser leur idéologie».
«Au Cameroun, le constat fait depuis quelques années est que les acteurs politiques ont largement contribué à cliver la société à travers les réseaux sociaux. Ce clivage est à la fois d’ordre idéologique, politique, tribal, social et même culturel», analyse-t-il pour Sputnik.
Des clivages qui ont malheureusement fait place à des conflits ouverts aux relents de tribalisme et de suprématisme idéologique ou culturel, poursuit l’analyste qui ajoute qu’«il est regrettable de constater que le politique camerounais semble se délecter des discours belliqueux, de haine et de division diffusés par ceux qui se réclament de leur chapelle politique».

«Il semble évident que ces rixes virtuelles sont davantage nourries par un déficit de formation politique de néo-politiciens [...]. Il est clair que toutes ces batailles ont pour principal enjeu le contrôle du pouvoir central de l’après-Biya», soutient-il.
Ces conflits politiques qui dégénèrent facilement en haine tribale menacent sérieusement la cohésion nationale dans un pays déjà déchiqueté par de multiples crises internes. Nonobstant les campagnes de sensibilisation récurrentes sur les dangers de cet extrémisme dans le champ du réel, les cybermiliciens poursuivent leur battage avec pour visée ultime le positionnement de leur champion dans la course à la succession de Paul Biya.