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DISPARITION DE L’ABBE CHONANG : Monsieur « 100% » est décédé

Transmis tel que lu sur le net

L’information nous ait parvenue de manière particulièrement brutale hier : le très médiatique Abbé Antoine De Padoue Chonang se serait donné la mort à Gap, dans le Sud de la France.

Qui était l’Abbé Chonang ?

Quiconque a fait ses études au lycée de Dschang après les années 70, ne peut ignorer ce célèbre enseignant que les élèves appelaient affectueusement, « monsieur 100% ».

Lors de sa première journée dans cet établissement, il passait dans chaque salle de classe en criant : « objectiffffff ? » et les élèves devaient répondre : « 100% ». Cette formule, ajoutée à ses talents en matière d’arts martiaux, feront de lui l’enseignant le plus populaire de l’époque.

À l’université de Yaoundé, où il a côtoyé des étudiants qui deviendront de véritables professeurs d’université comme Issac Tcheyo, il montre déjà ce qui structurera sa vie : une profonde répulsion contre toute autorité et sa rébellion permanente. C’est ce qui fera qu’au cours de sa vie, il comptera autant d’amis que d’ennemis, même si c’est par amitié que je joue à l’équilibriste, tant les seconds étaient les plus nombreux.

Mais pour moi, c’était un ami, un frère. Je publie d’ailleurs ici les photos de mon mariage traditionnel au cours duquel, il avait « ravi » la vedette » en fustigeant certaines pratiques autour de la dot qu’il considérait, une peu excessivement à mon goût, comme du marchandage ; plombant ainsi l’atmosphère.

Mais il était comme ça : entier, excessif, envahissant. Il avait tenu à dire une prière à cette occasion, bien que je sois protestant, pour ne pas dire un honnête mécréant. Lors du décès de mon oncle Paul Panka, dont il savait notre complicité, il avait insisté pour faire le voyage sur Dschang et tous les jeunes prêtres s’étaient effacés pour lui faire l’honneur de dire la messe d’adieu à ce personnage ayant marqué la vie du département de la Menoua, voir au-delà..

Sa vie professionnelle

Parce que malgré ses défauts, il était particulièrement doué quand il fallait conduire la messe. Talentueux, persuasif, ce qu’il expliquait sur les enseignements du Christ pénétrait l’esprit du plus buté des athées. Mais c’est en dehors de l’église que tout se gâtait tant ses rapports avec ses collègues, surtout ses supérieurs hiérarchiques, qu’il avait vu entrer dans l’église pour la plupart, étaient exécrables. Il était en révolte permanente et se comportait comme un écorché vif.

Il a été particulièrement meurtri lorsque des prêtres d’origine Bassa, se sont réunis pour pondre un texte d’une tonalité anti bamiléké inédite. Il ne s’était pas remis du fait que personne n’ait été réellement sanctionné.
Il s’étonnait du favoritisme et du tribalisme qui minaient l’église catholique au Cameroun. Ne comprenant pas, par exemple, qu’avec l’arrivée de Monseigneur Kléda, à la suite du Cardinal Tumi, le personnel de l’Évêché à Akwa soit de plus en plus proche, sur le plan communautaire, du nouveau patron des lieux.

C’était en outre un homme des médias et surtout un journaliste engagé. C’est sous son contrôle que le plus vieux journal Camerounais, appartenant à l’église catholique (l’effort camerounais), a atteint son pic de diffusion pendant la période post indépendance. Mais à chaque sortie, le ton virulent des textes publiés donnait des sueurs froides au Cardinal Tumi, qui pourtant n’a rien d’un « enfant de chœur ». C’est sans doute pour « l’ensemble de son œuvre » qu’il a été envoyé à Bonabéri après qu’on lui ait retiré le contrôle du journal.

Dans ce quartier de Douala, il a continué à prester contre sa hiérarchie au point de demander une année sabbatique en France, dont il ne reviendra, hélas, qu’à l’horizontale.

Quelques anecdotes

Au moment où j’apprends son décès, comment ne pas me remémorer nos échanges dans mon bureau, quand il venait lors des bouclages des différents journaux, corriger mes textes en excellent enseignant qu’il était ?
Comme il ne « s’amusait pas » pas avec sa « Isembeck », nous nous retrouvions dans un bistrot où il me débitait sa haine contre certaines pratiques dans l’église catholique au Cameroun.

  • On menace de le déshabiller : un soir, particulièrement « ivre » de colère, il m’explique qu’il n’a pas pu terminer la messe parce qu’il n’y avait plus de lumière. Tout cela parce que le prêtre chargé de l’intendance, n’avait pas fait remplacer les ampoules grillées. Qu’il avait envoyé le chercher, mais ce prêtre était très « occupé » ; il aidait sa maitresse à servir de l’alcool à ses clients dans sa gargote.
    Le comble est que sa hiérarchie menaçait de le bannir de la profession tandis que « le prêtre amoureux » s’en tirait plutôt à bon compte ;
  • Des Evêques « chefs de famille » : un autre soir, toujours en compagnie de quelques « Isembeck »,il ne tenait pas en place. Il avait en main, la liste de nombreux Évêques du pays et les noms de leurs enfants. Ce qui le choquait par dessus de tout, c’est le fait que devant les domiciles de certains ; il avait obtenu des photos de femmes séchant impunément des couches pour nourrissons, des vêtements féminins ;
  • Les Evêques et l’argent : il était très en colère contre la propension de certains Evêques à confisquer l’argent de la quête dans les églises pour assouvir leurs besoins personnels. Fustigeant cet Évêque qui une fois nommé, en totale contradiction avec ce qu’avait instauré son prédécesseur, tous les lundis gardait pour lui et le fonctionnement de son diocèse, tout l’argent venant des Églises sous son commandement : laissant ces dernières exsangues.
  • Vent debout contre l’homosexualité : il n’acceptait pas que l’homosexualité ait fait son lit au sein de l’église catholique et dans toute la société camerounaise. Selon lui, l’avocate Alice Kom, à cause de son engagement pour la cause homosexuelle, était le mal absolu : une sorte d’antéchrist. C’est ainsi qu’au cours d’un débat télévisé houleux, les téléspectateurs ont eu droit à ce moment rare de télévision que je cite de mémoire. Abbe Chonang De Padoue fou de rage : « Si tout le monde était homosexuel, comment ferait-on pour avoir des enfants » ? Maître Alice Kom cinglante: « Et si tout le monde était prêtre, comment on ferait pour avoir des enfants » ?. Pour une fois en 40 années, j’ai vu mon ami manquer d’arguments.
  • Déjà étudiant à l’université, il avait crée un véritable scandale : alors qu’il avait expliqué plus qu’en détail, un sujet d’examen à une jeune fille qui n’y comprenait rien, mais qui « sortait » avec l’enseignant dont je préfère taire le nom, cette dernière avait obtenu une note de 16 (je cite de mémoire) alors que lui se contentait d’un modeste 10.
    Il avait alors arraché les copies pour les jeter entre les jambes du professeur en criant une colère mal refrénée.

Son décès

Depuis 2010, il supportait de moins en moins sa situation au sein de l’église catholique. Il m’avait alors confié sa volonté de prendre une année sabbatique. Mais dans le Sud de la France, après cette année sabbatique et malgré la pression forte de Monseigneur Kléda, il refusait de rentrer au pays.

Pire, il était là aussi, rattrapé par ses « vieux démons ». Sans doute à cause de sa farouche volonté d’indépendance, il était entré en conflit avec la hiérarchie de l’église au point de subir de réactions infamante et indigne de la part des représentants du Christ : ces derniers l’ayant quasiment expulsé du domicile qu’il occupait.

Malade, mal compris, difficile à vivre, il a sans doute pensé que le mieux serait d’en finir avec la vie, à moins que ce décès ne cache autre chose.

Autre chose dans la mesure où même dans ce sud de la France, il ne cessait de menacer de dénoncer les Évêques pédophiles et homosexuels, dont il avait une aversion particulière.

Quelles que soient les causes réelles de ce décès, il sera mort comme il a vécu : dans la controverse. C’est dans elle qu’il semblait le plus à l’aise.

Quand on connait un peu le personnage, on peut néanmoins s’étonner qu’un homme apparemment bâti à partir de « roches dures »,serviteur du Christ et surtout habité par de nombreuses certitudes, puisse commettre un acte aussi éloigné des Saintes Écritures. La tentation est alors grande de conclure qu’il a été « suicidé ».

Mais quand on le connait un peu plus, on peut tout aussi conclure que cet homme à la démarche altière, sûr de son bon droit et peu regardant sur ses devoirs, préférait à coup sûr, la mort à l’humiliation : exactement comme Okonkwo, le héros principal de l’ouvrage (Le Monde s’effondre) du célèbre nigérian Chinua Achebe. Ouvrage qu’il aimait tant.

Benjamin Zebaze

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