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COMMENT LE GOUVERNEMENT A MANŒUVRÉ, PRÉPARÉ ET ORGANISÉ DES DISCUSSIONS AVEC LEADERS AMBAZONIENS. Une enquête de Boris Bertolt

Transmis tel que lu sur le net

C’est l’événement politique du début de l’année. Des pourparlers ouverts entre le gouvernement camerounais et les séparatistes de l’ambazonie. Cependant dans un communiqué rendu public hier, 7 juillet 2020, le ministre de la communication, René Emmanuel affirme que l’information sur l’entame des négociations avec les séparatistes “ n’est pas tout à fait exact” sans toutefois préciser ce qui est vrai. Car, le pouvoir qui a opté depuis le début de la crise anglophone en 2016 pour la répression est embarrassé et ne veut pas perdre la face. Mais derrière cette posture politique se cache des luttes de pouvoirs, des guerres des réseaux et des intérêts financiers. La grande enquête de Cash Investigation.

AU COMMENCEMENT ÉTAIT L’ARMÉE

Dès la fin de l’année 2018, les combats se sont intensifiés dans la zone anglophone. Les pertes en vies se font importantes au sein des troupes séparatistes et l’armée. À Yaoundé, deux lignes politiques s’affrontent: une qui souhaite que des négociations soient menées pour l’apaisement et une autre partisane de la guerre. Pendant ces débats, la communauté internationale presse Biya Paul ( qui est déjà en pleine crise post électorale avec le plan national de résistance lancé par Maurice Kamto qui réclame sa victoire) d’engager un dialogue avec les séparatistes.

Ce sont les militaires qui prennent dans un premier temps clandestinement la décision d’entamer des discussions avec des chefs des groupes armés. Après plusieurs semaines ils n’obtiennent rien car, les rapports de la sécurité militaire indiquent c’est à l’extérieur que se situe les nouveaux leaders du mouvement ambazonien. Le ministre de La Défense va solliciter auprès de Paul Biya l’autorisation de multiplier les missions à l’étranger pour discuter avec les leaders de l’Ambazonie en exil. Il va obtenir cette autorisation.

Beti Assomo charge le colonel Joel Emile Bamkoui, le patron de la sécurité militaire de mener les opérations. Bamkoui voit en cette nouvelle mission qui lui est confiée par son patron sur autorisation de Paul Biya une aubaine. Car depuis plusieurs mois, il nourrit secrètement une rivalité avec le patron de la Direction Générale de la Recherche Extérieure ( DGRE), le commissaire Leopold Eko Eko qu’il rêve de remplacer. Par la suite il veut devenir général. Obtenir un début des négociations pour un cessez-le-feu constitue pour lui un rêve.

La rivalité entre Eko Eko et Émile Bamkoui a été organisé par Ferdinand Ngoh Ngoh le secrétaire général de la présidence de la République qui demande à Paul Biya de remplacer Eko Eko par Emile Bamkoui. Car Ferdinand Ngoh Ngoh estime que la DGRE placée sous son autorité ne lui est pas soumise. Eko Eko n’est pas d’accord avec la ligne répressive du gouvernement. Dès 2003, agent des renseignements il adressait déjà une note à l’attention de sa hiérarchie sur le déclenchement de la crise anglophone.

Les moyens financiers et humains sont mis à sa disposition. Le colonel Bamkoui va effectuer seulement aux États-Unis au moins trois voyages. Il sait que Paul Atanga Nji est passé par là et n’a pas pu. Bamkoui rencontrera à plusieurs plusieurs leaders de l’Ambazonie dans des hôtels et restaurants. Ses invités ne rentreront jamais bredouille. Quelques enveloppes avaient été préparées depuis le Cameroun. Parmi ceux reçus par Émile Bamkoui figure: Akwanga Ebenezer, Chris Anu et autres.
Six mois après, les résultats des voyages à l’étranger et discussions sur le terrain sont maigres. La mission est abandonnée.

L’ENTRÉE EN SCÈNE DE DION NGUTE

Au moment où Bamkoui négociait, un homme venait de remplacer Philémon Yang à la primature: Dion Ngute. Ce diplomate de carrière réputé affable et discret a pour principale mission de ramener la paix en zone anglophone. Lui à son tour engage des contacts avec la société civile anglophone et acteurs politiques pour un cessez-le-feu le feu. Rien. Or la pression internationale se fait de plus en plus forte dans un contexte où Maurice Kamto et 200 de ses militants don’t détenus en prison. Le cocktail est lourd à porter car à la crise anglophone s’est greffée une crise politique.

Mais, l’Etat fait face à la pression de ses partenaires internationaux qui menacent de lui couper les vivres financières s’il n’y a pas de dialogue politique. Dion Ngute qui a progressivement gagné la confiance de Paul Biya dans la rivalité qui l’oppose à Ferdinand Ngoh Ngoh obtient l’organisation du Grand Dialogue National qui sera boycotté par les leaders de l’Ambazonie. Mais Ngute va bénéficier d’un concours circonstances assez étrange.

LA BATAILLE FRANCO - AMÉRICAINE

Avant le Grand Dialogue National, la mediation Suisse entre en scène. Le 27 juin 2019 le Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) suisse annonce avoir obtenu l’accord de toutes les parties pour mener un dialogue autour de la crise anglophone. L’initiative sera conduite par l’organisation Suisse, le Centre Pour le Dialogue Humanitaire. Les négociations sont financées à hauteur de 20 millions de dollars soit environ 11 milliards de fcfa par le Canada.

Très vite l’initiative est accueillie radieusement à l’international. Cependant si le ministre des affaires étrangères Jean Yves Le Drian y voit une avancée sur le bout de ses lèvres, dans le cœur les français se sentent doublés par les américains qu’ils accusent d’être derrière cette initiative. Une preuve de plus: c’est Ferdinand Ngoh Ngoh, le secrétaire général de la Présidence de la République qu’ils soupçonnent également d’être pro américain qui a convaincu Biya.

Or côté français, l’on privilégie d’abord une tentative de solution camerounaise contrairement aux américains qui militent pour l’internationalisation de la solution au problème anglophone. Le Grand National encouragé par la France constituait une première expérimentation foireuse de leur approche. Or au même moment les suisses travaillaient pour lancer leur initiative mais ils n’avaient pas prévu la suite.

LES SUISSES HORS - JEU AU PROFIT DE LA DGRE.

Le 23 septembre les suisses convoquent à Montraux en Suisse une réunion des séparatistes ambazoniens. À Yaoundé cet événement est perçu comme étant une manœuvre pour les empêcher de prendre part au grand dialogue national. Plus grave l’ambassadeur de Suisse rencontre Paul Biya pour la rencontre de Montraux et sollicite que le représentant du gouvernement aux discussions soit Ferdinand Ngo Ngo.

L’argent Canadien qui finance la médiation suisse commence à couler alors que sur le terrain rien avance. A Lyon au cours de sa rencontre avec Emmanuel Macron, Paul Biya se voit invité par son homologue français à trouver les voies et moyens pour l’ouverture d’un dialogue, tout en lui réitérant le soutien de la France.

De retour au Cameroun, Paul Biya a désormais tous les éléments et l’implication de son SGPR dans la médiation Suisse et les problèmes auxquels les entreprises françaises sont confrontées. Il soupçonne son entourage de vouloir l’aliéner son meilleur allié: la France. En décembre 2019, Paul Biya demande à NGOH NGOH lui même de rendre public un communiqué qui met un terme de la participation du gouvernement à l’initiative suisse. Ce que Ngoh Ngoh va faire.

Mais, avant de mettre un terme à la médiation Suisse, Paul Biya instruit clandestinement son premier ministre, Dion Ngute et le patron de la DGRE, Leopold Eko Eko d’entamer des discussions pour ramener les séparatistes à la table des négociations. C’est ainsi que dès cette période, le premier ministre mène des dialogues secrets avec les leaders séparatistes.

Ainsi que Leopold Eko Eko qui organisera le 13 février 2020 à Accra au Ghana une rencontre secrète avec les leaders séparatistes anglophones en exil. Quand il revient au Cameroun, le patron de la DGRE rend son rapport à Paul Biya et au premier ministre. C’est ainsi qu’il obtient l’autorisation de Paul Biya de discuter ouvertement avec SISSUKU Ayuk TABE et ses camarades détenus à Kondengui.

L’ÉCHEC DES PREMIERS POUR-PARLERS

Le 16 avril 2020, Leopold Eko Eko et 5 autres responsables de la DGRE rencontrent une partie du leadership ambazonien enfermé à Kondengui. Il s’agit de : Ayuk Tabe, Pr Awasum, l’avocat Eyambe, Shufai Blaise. La rencontre a lieu à conférence de Yaoundé à Mvolye. Non pas parce que l’église est facilitateur, mais parce qu’il fallait trouver un lieu neutre.

Au cours de cette rencontre, Eko Eko qui s’exprime bien en anglais affirme qu’ils doivent ensembles être des partenaires pour la paix. Ayuk TABE propose avant toute chose: une démilitarisation complète de la zone anglophone; une libération de tous les prisonniers anglophones y compris ceux arrêtés pour des exactions contre les forces de sécurité et l’organisation des discussions à l’extérieur.

Eko Eko s’y oppose indiquant que l’armée ne peut pas quitter la zone anglophone compte tenu de la présence des groupes armés séparatistes; Il affirme qu’ils ne peuvent pas libérer tout le monde au même moment et que des discussions à l’extérieur ne sont pas à l’ordre du jour pour l’instant.

Ayuk TABE reste sur sa position. La rencontre s’achève sans terrain d’entente mais les deux parties promettent de se revoir.

LA RENCONTRE DU 2 JUILLET 2020

Suite à l’échec des discussions d’avril, les négociations souterraines pour un retour à la table des discussions s’activent. Finalement les deux parties conviennent de se rencontrer de nouveau en juillet. C’est cette rencontre qui a eu lieu le 2 juillet 2020 toujours à la conférence épiscopale. Mgr Mbarga, l’archevêque de Yaoundé n’a été associé ni de près ni de loin comme ce fut elle cas enavril, ainsi que Ferdinand Ngoh Ngoh, le secrétaire général de la présidence de la République.

Le 2 juillet 2020, Eko Eko est présent en compagnie de 5 membres de la DGRE. Cote ambazonien: Sisiku AyukTabe, Shuffai Blaise Berinyuy, Prof Augustine Awasum, Bar Elias Eyambe (from the Prison Principale de Yaoundé) and Penn Terence, Mancho Bibixy,Tsi Conrad, Fritz Takang and Ngome Richard (from the Prison Centrale de Yaoundé). Tassang également détenu à Kondengui a refusé d’y prendre part arguant qu’il ne reconnaît que le leadership de Christ Anu. Aucun membre du gouvernement ou diplomates occidentaux ne sont présents. La rencontre de Mvolye aura lieu de 16h30 à 19h30mn.

Les discussions reprennent. Eko Eko fait savoir à ses interlocuteurs que tous sont camerounais. shuffai Blaise s’énerve et lance: “ nous sommes du Southern Cameroun. Vous ne nous traitez pas comme des camerounais “. Après quelques minutes d’agitation verbale, la tension retombe et les discussions se poursuivent. Eko Eko insiste sur le fait que dans le gouvernement camerounais et au sein des séparatistes il y a des gens qui ne souhaitent pas le retour de la paix. Ils ont donc intérêt à sortir de là avec quelque chose.

Après moult débats les séparatistes ambazoniens posent leurs conditions revues: les militaires doivent retourner dans les casernes et effectuer des opérations de sécurité. Ils sont prêts à accepter une libération par vagues mais sortiront en dernier. Ils n’ont aucune objection à engager les discussions avec le gouvernement.

Sur ces avancées, Eko Eko fait savoir qu’il n’est pas le négociateur et ne peut donc donner aucune garantie. Qu’il est venu préparer le terrain pour que les acteurs politiques entrent en scène pour trouver une solution à la crise. Il a indiqué qu’il fera parvenir son rapport dans les plus brefs délais à Paul Biya et au premier ministre Dion Ngute. Les deux parties se sont quittés après une prière en se promettant de se revoir prochainement. Le rapport de la réunion a effectivement été transmis à Paul Biya et Dion Ngute.

C’est le lendemain matin que le secrétaire général de la présidence de la République apprend la nouvelle d’une deuxième rencontre avec les leaders ambazoniens. Il pique une crise car se sentant largué. Il voit s’envoler en 11 milliards fcfa de la médiation suisse. Pour ne pas perdre la face il fait écrire par René Emmanuel un communiqué qui tend à discréditer les pour - parlers. Pendant, ce temps Dion Ngute son café tout en souriant à la primature. Ainsi va la République.

Une enquête de BORIS BERTOLT

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