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Comment éviter le suicide après un échec ?: Réponse du Psychopathologue Romuald Mbangmou

Romuald Mbangmou

Cette interview accordée par le Psychopathologue Romuald Mbangmou à nos confrères du site Newclic, fait suite aux faits récents qui ont secoué le système éducatif et les familles, concernant la disparition brutale de deux jeunes élèves qui se sont suicidés après avoir appris leur échec à l’examen du BEPC, la consternation est encore grande.

Qu’est ce qui peut réellement pousser une personne à mettre fin à sa vie de sa propre volonté?. Parfois les personnes qui se suicident ou tentent de le faire ne veulent pas nécessairement mourir. Mais elles pensent que c’est la seule solution face à des sentiments ou des situations pénibles.

Même si on ne peut prévenir tous les suicides, certaines stratégies peuvent aider à en réduire le risque. Quelles en sont-elles ? Réponse dans cette interview du Psychopathologue Romuald Mbangmou à nos confrères du site Newclic.Info

– Bonsoir M. Romuald Mbangmou, et merci d’avoir accepté cet entretien. Avant d’entrer dans le vif du sujet, nous aimerions vraiment savoir qui est le Dr Romuald Mbangmou?

Dr Romuald Stone Mbangmou est mon nom, je suis né le 17 mai 1983 à makenene. Je suis
Psychopathologue clinicien de l’Université de Yaoundé 1.

– Si l’on vous demandait de décrire brillamment votre parcours concernant vos études, que pourriez-vous en dire? Du primaire au supérieur passant par le secondaire.

Je suis un jeune homme presque normal venant d’une famille catholique pratiquante, même si depuis une décennie, je ne crois plus à ces choses. Cette appartenance a fait que je me retrouve en train de faire tout mon primaire dans un établissement catholique, le secondaire au lycée de makenene, où j’ai obtenu un Bac D en 2006.
Après trois années en Biologie, je vais me réorienter en Psychologie 2009. En 2020, je soutiens un Doctorat en Psychopathologie et clinique, à l’Université de Yaoundé 1.
Maintenant, je me concentre sur une autre thèse de Doctorat.

– Arborant aujourd’hui cette casquette de Psychopatologue et clinicien, vous êtes amené à observer, à étudier, et à expliquer les mécanismes voire les troubles mentaux  chez les êtres humains? Est-ce bien cela Dr?

Lorsquon dit ” Psychopathologie et clinique ”, c’est en fait deux spécialités ou branches de la Psychologie. La Psychopathologie est celle qui étudie les troubles mentaux et propose des théories explicatives, alors que la psychologie clinique est plus l’aspect pratique car, se centre plus sur la prise en soins ou en charge de l’individu en situation et en évolution. En d’autres termes, la première se centre sur la description et la compréhension de la maladie, et la seconde s’occupe du traitement des troubles, du conseil, du développement personnel ou coaching, tout en prenant en compte les spécificités psychiques, cognitives, comportementales et culturelles de la personne concernée. Le but dans la psychologie clinique, c’est viser le mieux-être du client.

– Et parlant justement de troubles mentaux, notre sujet du jour porte notamment sur “Comment éviter le suicide après un échec”?. Sur la question Dr, nous imaginons que vous avez vraiment à dire surtout qu’elle concorde avec les faits récents qui mettaient en avant deux jeunes enfants qui se sont suicidés après avoir appris qu’ils n’avaient pas été admis à leur examen du BEPC.

Le sentiment d’échec est l’un des sentiments les plus pathogènes, avec d’autres comme la honte/l’humiliation, la colère, et bien d’autres, car ces sentiments génèrent des niveaux très élevés d’angoisse.
En ce qui concerne le cas de nos deux candidates qui se sont donné la mort après leur échec au BEPC, il est évident qu’un dispositif mieux adapté pourrait épargner les populations de ces situations. Cependant, ce dispositif est difficile à mettre sur pied au Cameroun, à cause des mentalités et de l’insuffisance et l’inefficacité des ressources humaines, pour ne citer que celles-là.
Il est évident que ces deux candidats étaient des élèves prédisposées au passage à l’acte. Si les conseillers d’orientation de leur établissement étaient des ” conseillers d’orientation psychologues” comme ça se fait dans les développés, les chances de répérer les élèves à risque seraient plus élevées. Aussi, dans la procédure d’ enseignement au Cameroun, tout est centré sur la réussite. Les apprenants ne sont jamais préparés à un éventuel ” echec”, ou ne sont pas formés à accroître leur processus de résilience. Nelson Mandela disait’ ‘je ne perds jamais, soit je gagne, je j’apprends”. Ce qui veut dire que en fait, ramener à ces deux situations, que c’est normal d’ échouer, car c’est un signe qu’on n’est pas encore suffisamment près pour mériter la réussite. On doit apprendre cela aux apprenants, le leur répéter régulièrement au cours de leurs formations, du primaire au supérieur. Un briefing devrait être fait avant la lecture officielle des résultats. Ce briefing devrait permettre de rappeler aux candidats que le meilleur reste à venir, quoi qu’il arrive. Du côté des parents, une attention particulière doit être portée sur les candidats les jours suivants, qu’ils aient réussis ou pas à leur examen. Le suicide ne concerne pas seulement ceux qui ont raté leur examen. Ceux qui ont réussi peuvent aussi poser des actes suicidaires, tels que consommer des doses élevées d’alcool, se livrer aux comportements à risques tels que l’abus d’alcool, des rapports non protégés, bref, se livrer à des comportements de deviances. Si certaines mesures sont prises, ces types de réactions se verraient significativement réduites, voire absentes dans nos sociétés.

– Dr, pourriez-vous nous présenter de façon organisée les causes, les acteurs qui influencent particulièrement, les mécanismes de réaction, les conséquences sur l’entourage? Et aussi, par la suite, nous serions ravis de suivre les solutions proposées afin que des actes aussi criminels ne puissent plus se reproduire dans de nombreuses familles.

La principale cause de ce type de réaction fatale face à l’échec est la personnalité. Les personnes à personnalités perfectionnistes et rigides seraient les plus prédisposées. Ce sont des personnes suffisamment fragiles, mais pas des malades avérés. On a par exemple les personnalités évidentes: schizoïdes, schizotypiques, borderlines, qui seraient plus prédisposées à présenter ces types de comportements.
On retrouve aussi parmis les personnes qui ne tolèrent pas l’echec, les personnes dépressives. L’annonce de l’échec provoque de l’angoisse, une réaction psychologique en réponse à cette angoisse ou stress, appelée réaction d’alarme. Le corps essaie de surmonter, en résistant à cette angoisse durant cette période appelée phase de résistance. À la suite de cette deuxième phase, soit le sujet se remet, soit il plonge dans la dépression. Dans ce dernier cas, il est plus prédisposé à passer à l’acte suicidaire, au fur et à mesure que le niveau de la dépression est augmenté.
Les conséquences des suicides sont multiples, et restent les mêmes dans la plupart des sociétés.
-on perd un enfant, un élève, un petit fils ou fille,
-l’entourage vit un nouveau stress -malaise dans la société,
-dépenses financières et énergétiques,
-etc.
Comme solutions, mettre en place un système éducatif familial et scolaire qui permet à l’enfant de comprendre que l’école est un jeux et non un combat. Les psychologues, qui sont avant tout les spécialistes du comportement et de sa prédiction, ont des outils pour assumer ce travail. Au gouvernement de leur tendre la main pour les rendre utiles dans ce sens.

– Nous vous remercions M. Mbangmou pour le temps, l’échange, le partage et surtout l’édification. Vivement que nous vous retrouvons bientôt ! Bonne soirée à vous

Merci également à vous et bonne fin de soirée.

Vous l’aurez compris: “apprendre aux enfants que l’école n’est qu’un jeu et non un combat” telle est l’une des déclarations pertinentes du Dr qui nous amène, nous, encadreurs, parents, tuteurs, amis, frères/sœurs…à prévenir la dérive, car une fois le pire survenu, le rubicon est franchi de manière irréversible.