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Journalistes en détention : Amnesty International interpelle Paul Biya

Dans une correspondance adressée au président de la République du Cameroun, Amnesty International et 26 autres associations de défense des droits de l’homme dénoncent la détention « arbitraire » de quatre journalistes condamnés et inculpés pour terrorisme.

Amnesty international et 26 autres organisations de défense des droits de l’homme exerçant au Cameroun ont signé le 3 février 2022, une correspondance destinée à Paul Biya, le président de la République du Cameroun. L’objet porte sur la détention arbitraire de quatre journalistes et d’autres détenus incarcérés dans le cadre de la crise anglophone qui sévit dans ce pays depuis octobre 2016. Cette initiative entre dans le cadre d’une campagne dont l’objectif est d’appeler à la libération des personnes « arbitrairement » détenues par les autorités.

Jusqu’à 15 ans d’emprisonnement

Tsi Conrad, journaliste indépendant, condamné à 15 ans d’emprisonnement par le tribunal militaire de Yaoundé en 2019 est parmi les journalistes cités dans la correspondance. Il y a également Mancho Bibixy allias Bbc, activiste très connu, qui a tenu un discours dans un cercueil à Bamenda pendant le déclenchement de la crise socio-politique. Thomas Awa est également cité. Ces deux journalistes très connus à Bamenda ont été condamnés en 2019 respectivement à 15 et 11 ans d’emprisonnement ferme pour complicité d’actes de terrorisme par le tribunal militaire de Yaoundé. Amnesty international relève que ces journalistes ont été arrêtés en janvier 2017 à Bamenda dans le cadre de la crise socio-politique et ont été conduits à Yaoundé où ils ont été jugés et condamnés en violation des droits en matière de défense.

Le journaliste Kingsley Ndjoka, également cité dans la correspondance d’Amnesty International, a été arrêté à Douala en mai 2020 et conduit à Yaoundé où il a été inculpé pour complicité d’actes de terrorisme. Quelques semaines après son arrestation, le porte-parole du ministère de la Défense affirmait que ce journaliste était un « logiciel » des groupes séparatistes qui « tuent » les populations dans les régions en crise. Suite à ces déclarations, le journaliste a décidé de porter plainte contre le porte-parole du ministère de la Défense. Sa plainte n’a pas évolué devant le tribunal militaire.

Traitements inhumains

La correspondance signée par Amnesty international et les 26 Ong camerounaises spécialisées sur les questions de défense des droits de l’homme relève que ces quatre journalistes emprisonnés n’ont cessé de subir les actes d’injustice et des traitements inhumains et dégradants depuis leur arrestation par les forces de défense et les autorités pénitentiaires. A cause de ces traitements inhumains, certains détenus à l’instar de Thomas Awa sont en très mauvaise santé. Pour l’Ong Amnesty international, le Cameroun ne sera jamais libre tant que ces journalistes ne seront pas libérés. Cette correspondance a été publiée le 10 février 2022 dans plusieurs quotidiens.

Me Amungwa Tanyi, avocat du journaliste Kinsgley Ndjoka affirme que le maintien illégal des journalistes en prison dans le cadre de la crise anglophone viole l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui stipule : « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi ».

Presse en danger

Me Felix Agbor Balla, avocat au barreau du Cameroun et président du Centre pour les droits de l’homme et de la démocratie en Afrique (Chrda), figure parmi les signataires de la correspondance adressée au chef de l’État, Paul Biya. Il estime que la libération des personnes « non violentes » détenues dans le cadre de la crise anglophone est l’une des recommandations faites par les acteurs de la société civile pour un début de solution dans la crise anglophone. Ladite recommandation a été rappelée le 9 février à Yaoundé lors d’une cérémonie de présentation du rapport sur les droits de l’homme au Cameroun pour l’année 2021. « Le climat socio-politique reste tendu au Cameroun, notamment dans les régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest. Nous avons les journalistes qui ont été incarcérés dans le cadre de l’exercice de leur fonction. Ces journalistes ont été condamnés sans preuves palpables qu’ils étaient des terroristes. Nous ne devons pas les oublier en prison. Nous continuons à regrouper les signatures à travers le monde entier pour inviter les autorités politiques à procéder à leur libération. La crise anglophone doit se résoudre par des décisions politiques », explique Me Felix Agbor Balla.

Depuis le déclenchement de la crise anglophone, plusieurs organisations de défense des droits de l’homme et le syndicat national des journalistes du Cameroun ont dénoncé l’interpellation et le jugement des journalistes devant le tribunal militaire pour les infractions liées au terrorisme. Pour Amnesty international et Reporters sans frontières, l’arrestation des journalistes dans les régions en crise constitue une atteinte grave à la liberté d’expression au Cameroun. A cause de ces interpellations, le Cameroun a été classé pour l’année 2021 par Reporters sans frontières comme l’un des pays dangereux pour l’exercice du journalisme. Le pays a été classé 135ème pays sur 180.

Au ministère de la Communication, un responsable nous affirme, ce 15 février, que le Cameroun n’est pas dangereux pour l’exercice du journalisme. Il justifie son affirmation par le fait que la loi camerounaise accorde une place importante à la liberté d’expression. Pour ce qui est des journalistes détenus dans le cadre de la crise anglophone, le fonctionnaire du ministère de la Communication, que nous avons interrogé, souligne que « si la justice a établi que ces journalistes étaient impliqués dans les évènements qui continuent de sévir dans les deux régions, il revient au gouvernement de respecter la décision de la justice ». Concernant l’initiative d’Amnesty international, il précise que la Constitution camerounaise donne la possibilité au président de la République de procéder à la libération des personnes définitivement condamnées par les tribunaux (grâce présidentielle) et dont les décisions de condamnation n’ont fait l’objet d’aucun appel.

 

 

Le Jour