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Les dernières heures de l’ancien PCA des aéroports du Cameroun, Joseph Pokossy Ndoumbe

La nouvelle a circulé cette nuit-là. Elle est confirmée au petit matin du 28 Avril par sa fille, Olga Pokossy Doumbe Soumahoro. « Le jour tant redouté est arrivé ... Tu t’envoles vers le paradis ... Adieu, mon papounet ... Je t’aime tellement », écrit-elle.

Sur la photo qui accompagne ce message, le père Pokossy Doumbe, assis, est entouré de son gendre Stéphane Soumahoro ( fils du général ivoirien Robert Geye) de son fils Nicolas et de ses petits-fils.

Joseph Dipita Pokossy Doumbe s’en est donc allé.

Affaibli et diminué par le poids l’âge, le patriarche s’était retranché à « Ndongo Land » (du nom de son épouse, Elise Ndongo Moutome, Ndlr), comme lui-même

appelait affectueusement son domaine situé à Bangue, dans l’arrondissement de Douala 5ème. Il n’avait pour autant pas raccroché. Malgré une santé fragile, même

à partir de son domicile, le « Président » Pokossy Doumbe ne ménageait aucun effort à intervenir dans divers dossiers relevant de son activité administrative et

politique qui, du reste, nécessitaient sa pugnace intervention ou son précieux

arbitrage. Tout comme il n’avait pas perdu son goût prononcé pour le beau, son élégance, sa finesse et son authenticité.

« D’aucuns disent que je suis Nigérian. Je suis Camerounais de père et de mère », aimait-il à rappeler, un brin moqueur. Pokossy Doumbe est né à Kaduna au Nigéria. Son père y a exercé comme directeur général adjoint des Travaux du Grand Nord du Nigéria. A la mort de son père, le petit Pokossy Doumbe a tout juste 7 ans.

Dépourvue de moyens, sa mère, Ma’a Pechens, est contrainte de retourner avec lui au Cameroun. Il ne parle ni français, ni douala lorsqu’il débarque dans la capitale

économique. Il s’exprime soit en haussa, soit en anglais. C’est en fréquentant régulièrement ses cousins qu’il apprend sa langue maternelle.

PAUL SOPPO PRISO

Laurette Youta Eteki, une fille adoptive de sa maman le prend très vite en estime et le présente à son mari, un certain Paul Soppo Priso. Jo, comme l’appelle tendrement

ses proches, a déjà 15 ans à cette période-là. Sa mère décide alors de l’envoyer en France poursuivre ses études. Au lycée, il vit à l’internat mais passe l’essentiel de

ses week-end au Boulevard Suchet, dans le 16ème arrondissement de Paris chez son

désormais tuteur, Paul Soppo Priso. Ici, il côtoie Ahmadou Ahidjo, Charles Assale, André Marie Mbida, Charles Okala qui avaient fait de cette demeure de Soppo Priso

leur QG lors de leur passage à Paris.

« J’ai longuement pratiqué Monsieur Soppo Priso. Nous avions des liens familiaux et sentimentaux. J’étais son fils aîné sans l’être. Ayant perdu mon père très tôt, au contact de Monsieur Soppo Priso, j’ai eu un homme qui m’a permis de grandir et aux côtés duquel ma vie a été tracée d’une certaine manière. Je lui serai éternellement reconnaissant », confiait-il, ému, à

un proche un dimanche après-midi de novembre 2019 à sa résidence de « Ndongo Land ».

En 1959, Jo obtient son diplôme de pharmacien. Cette promotion de la Faculté de Pharmacie de Paris compte également parmi ses illustres lauréats la camerounaise

Yvette Eyewe, qui deviendra plus tard épouse Eteki Mboumoua, le fidèle ami de Jo qui épousa auparavant une fille de Soppo Priso par le truchement du compagnon

Pokossy Doumbe.

De retour au Cameroun, en janvier 1960, Yvette Eteki Mboumoua ouvre la première Pharmacie de Yaoundé. Le même mois et la même année Pokossy

Doumbe, quant à lui, ouvre la deuxième officine de pharmacie (après celle de Rudolph Tokoto Essome, Premier Maire de la Ville de Douala) de la capitale

économique, notamment au lieu-dit : Rue du 27 Août à Akwa. Cette Pharmacie était logée dans l’un des immeubles de Soppo Priso.

« Je n’ai jamais payé de loyer dans cet immeuble. Avec Monsieur Soppo Priso nous avons monté un système d’achats de médicaments. Il tenait à m’associer à la majeure partie de son business et de ses projets même quand ça ne relevait pas de ma compétence directe. Tenez, une fois il avait organisé un dîner très restreint dans une salle de l’hôtel Akwa Palace. Ce jour-là, étaient réunis le directeur général de la Bicec de l’époque, M. Samuel Kondo Ebele, le Cardinal Christian Tumi, certains partenaires de Monsieur Soppo Priso et moi-même. Le lendemain, le gouverneur

du Littoral d’alors (Ferdinand Koungou Edima, Ndlr) a transmis un document à Yaoundé disant que nous complotions pour renverser Paul Biya. Evidemment nous

avons démenti ces allégations », racontait-t-il.

Pokossy Doumbe s’est ainsi forgé une stature autant dans les affaires qu’en politique aux côtés de Soppo Priso. Deuxième camerounais à adhérer au Lions club international après Soppo Priso, il est nommé Délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Douala en 1989 sur recommandation, entre autres, de

Soppo Priso.

PATRIARCHE SAWA

Ténor indéboulonnable du parti au pouvoir dans le département du Wouri depuis

l’Union nationale Camerounaise (Unc), Pokossy Doumbe aura été de tous les combats du parti des flammes dans la ville de Douala. En 1991, après une précédente défaite face à Jean Jacques Ekindi, Christian Tobie Kouoh, Ambroise

Mandengue, Etonde Ekoto, pour ne citer que ceux-là, il remporte l’élection à la présidence de la prestigieuse section Rdpc Wouri.

Pendant ces difficiles années de

braise, en tandem avec Françoise Foning, Pokossy Doumbe va œuvrer à redorer le blason du Rdpc à Douala. Président du Comité de gestion de l’hôpital Laquintinie jusqu’en 2012, Monsieur Pokossy Doumbe était doté d’une grande rectitude morale et d’une humilité qui pouvait trancher avec son statut.

Mentor de plusieurs générations de pharmaciens, de politiciens et même de capitaines d’industrie qui ont aujourd’hui pignon sur rue

dans le landerneau socio politique camerounais, ce digne fils Akwa, éminent Patriarche Sawa, était l’une des figures emblématiques du Conseil des sages de

l’Assemblée traditionnelle du Peuple Sawa, le Ngondo.

Le président du Conseil d’administration des Aéroports du Cameroun ( Adc) tirait son crédo de vie d’une chanson contenue dans un recueil de chants chrétiens

duala : « Na yan mbwan ma nin wase. Na si dube to Gold. Na ma pula nde bia nga

mon le la Sango. Nga na tilabe dina o di papa longo. A Sango musungedi dina lam le

o mon ».

« Je n’ai de biens sur cette terre, ni même de l’or. Tout ce qui m’intéresse est que

le ciel soit mon partage. Tout ce qui m’intéresse c’est d’avoir mon nom inscrit dans

le livre de vie auprès du Père ». Joseph Dipita Pokossy Doumbe meurt à l’âge de 89 ans. Il sera inhumé ce vendredi à Douala dans sa résidence. Ala na musango.

Ainsi va la République

Boris Bertolt