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Cameroun-Fraude ; 4.000 conteneurs de biens sortis sans frais du port de Douala

Un vaste réseau de fraude lié au dédouanement des conteneurs et des marchandises a été démantelé au port de Douala. L’Etat déplore un préjudice financier évalué à 173 millions de francs.

Le jugement est ouvert devant le Tribunal criminel spécial. Les enquêtes ont esquivé le personnel du Port autonome de Douala et de la société chargée de la gestion du terminal à conteneurs, pourtant responsables de la sécurité des marchandises.

Quatre mille conteneurs frauduleusement sortis du Port de Douala entre janvier et juillet 2017, sans paiement des redevances, occasionnant une saignée financière au trésor public provisoirement évaluée à 173 millions de francs : ce sont là les faits à l’origine des déboires judiciaires de Jean Marc Nyavom et Erick Ntimbane Oloumane devant le Tribunal criminel spécial (TCS). Les deux hommes, respectivement âgés de 35 et 43 ans, exerçaient la profession de déclarant en douane au moment des faits.

Leurs coaccusés, Marcel Ivan Akono, 34 ans, et Henri Welter Ekassi Ndenguebe, 45 ans, sont prestataires de service. L'info claire et nette. Ils méditent tous sur leur sort à la prison centrale de Yaoundé-Kondengui depuis novembre 2017. Ces quatre accusés ont comparu pour la première fois en jugement public le 18 décembre 2018. Ils ont tous plaidé non coupable annonçant n’avoir aucun témoin à faire comparaître. Ils reviendront le 18 février prochain pour l’ouverture des débats.

En attendant l’interrogatoire annoncé des témoins de l’accusation, le rapport de l’enquête judiciaire (ordonnance de renvoi) daté du 9 août 2018, dont Kalara a obtenu copie, permet déjà de se faire une idée précise sur les faits au centre du jugement. Tout serait parti d’une découverte faite par Raïssa Ebode, cadre à la Douala international Terminal (DIT), concessionnaire du terminal à conteneur du port de Douala, filiale du groupe français Bolloré.

Lorsque l’affaire éclate, Mme Ebodé occupe les fonctions de chef de brigade n°1 au terminal à conteneur de Douala. Elle dit avoir reçu un usager, dont le nom n’est pas cité, le 12 juillet 2017, qui sollicitait qu’elle rectifie le «numéro du connaissement » d’une marchandise. Imitation imparfaite C’est en fait un document de transport maritime porté sur une autorisation d’enlèvement du conteneur ou de la marchandise qui est annexée aux factures et quittances délivrées par le Port autonome de Douala (PAD), entreprise publique chargée de la gestion de la plateforme logistique du Port de Douala.

Les documents présentés par l’usager, à première vue, montraient que c’est elle, Mme Ebodé, qui les avait signés. Le chef de brigade n°1 découvrira, après vérifications qu’il s’agit de faux. Selon Mme Ebode, l’autorisation d’enlèvement jointe au dossier reçu de cet usager «ne pouvait être qu’une imitation imparfaite ».

Elle en veut pour preuve le fait qu’à la date de la délivrance mentionnée sur le document décrié, «elle n’était plus habilitée à les signer, cette attribution étant, depuis le 1er juillet 2017, réservée exclusivement au chef du terminal à conteneur». Au moment des faits, le signataire légal de ce type de document devait donc être un certain Roger Tchingang. La seconde anomalie qui pousse Mme Ebodè à conclure au faux est liée à l’organigramme au PAD adopté en janvier 2017.

Elle explique que l’entrée en vigueur de ce nouvel organigramme avait entraîné des changements au niveau de la dénomination de plusieurs services et documents du PAD, d’ailleurs désormais libellés en français et en anglais. Pourtant, les documents décriés portaient des mentions incorrectes. Il y était notamment écrit : «numéro de quittance et montant de la redevance», au lieu de «numéro et montant redevance PAD», mais aussi «terminal» en lieu et place de «terminal à conteneur». Une confrontation des données du PAD et de la DIT, provoquée par les découvertes de Mme Ebodé, va révéler une «sortie frauduleuse», entre janvier et juillet 2017, d’environ 4 mille conteneurs. C’est approximativement 173 millions de francs qui font ainsi défaut aux caisses du PAD, du fait du nonpaiement des redevances correspondantes...

Le juge d’instruction, dans les développements de son ordonnance de renvoi, indique que le «stratagème» mis sur pied au niveau du service de la facturation de la DIT, où sont délivrés les derniers documents préalables à la sortie des conteneurs, a permis de saisir de nombreux bons d’enlèvement contrefaits. Et il affirme, sans s’obliger à argumenter, que «les détenteurs de ces bons contrefaits étaient de simples coursiers, pas toujours au fait de ce qui se tramait en amont». Une vraie curiosité.

Discrimination des malfaiteurs Néanmoins, les investigations menées par les forces de sécurité ont permis de mettre la main sur Marcel Ivan Akono dont le domicile localisé au quartier Cité Sic à Douala, est «un véritable laboratoire de la contrefaçon». De fait, un impressionnant arsenal constitué de plusieurs cachets et documents financiers et administratifs du PAD et de la DIT sera récupéré lors de la fouille dudit domicile. Interrogé, M. Akono a prétendu que l’arsenal saisi appartient plutôt à son frère, un certain Ismaël Mekinda, en fuite. Ses coaccusés, qui se trouvaient sur les lieux, ont avancé diverses raisons pour se tirer d’affaire. Sans succès.

Le portail de la diaspora camerounaise en Belgique. Pour renvoyer les accusés en jugement, le juge d’instruction a estimé, sans forcer son talent, que les professions des mis en cause (déclarant en douane et prestataire de service) «les prédisposaient à une proximité évidente avec les activités menées au PAD», ce qui, à ses yeux, «constituent des facteurs facilitant leur implication dans les opérations mafieuses de dédouanement des conteneurs et des marchandises». Quid alors de la responsabilité des services du PAD eux-mêmes et ceux de DIT, dont l’une des missions est de veiller à la surveillance des mouvements des marchandises dans l’espace portuaire pour garantir le paiement effectif des redevances portuaires par les importateurs ? Le rapport du juge d’instruction est muet, suggérant que l’enquête et l’accusation ont esquivé certains des principaux auteurs des sorties décriées des conteneurs. De simples lampistes pourraient encore être sanctionnés alors que les vrais fossoyeurs des recettes publiques se la coulent douce...

 

Kalara