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Présidentielle 2018 : « L’expression du vote tribal a été fatidique », Pr Manassé Aboya Endong

Pr Manassé Aboya Endong

Le SDF est en perte de vitesse, comme le montrent les résultats de la dernière présidentielle et des dernières sénatoriales.

D'après vous, cette formation politique jusque-là leader de l'opposition peut-elle reconquérir le terrain perdu? Ce qui est arrivé au Social Democratic Front (SDF), aussi bien aux sénatoriales qu’à la dernière présidentielle était prévisible.

En effet, la perte de vitesse au sein de l’assise traditionnelle du SDF est concomitante à l’expression opportuniste d’une double coïncidence : la conceptualisation du vote tribal et la marginalisation d’un groupe sociologique important pour l’opposition.

D’une part, il y a eu d’abord un opportunisme fédérateur, né de l’exploitation politicienne des obsèques du Révérend Pasteur Abraham Tetouom en août 2016 à Douala. À cette occasion très courue, des orateurs talentueux ont profité de la présence des richissimes hommes d’affaires de l’Ouest pour articuler un discours mobilisateur pour les intérêts de leur communauté.

Quand on connaît le charisme et la popularité de ce défunt homme d’église, bâtisseur de renom (Collège évangélique de New-Bell, Collège Agape à la Cité-Sic Bassa), et ayant fait une carrière exceptionnelle, dans le Littoral et l’Ouest, on peut imaginer les dégâts que cela a pu causer dans la foule.

Du coup, au moins la classe moyenne des hommes d’affaires peuplant généralement le SDF a eu l’idée d’aller voir vers une autre formation politique qui abriterait mieux les intérêts de leur communauté. Et c’est tout naturellement qu’un acteur subtil a réussi à canaliser un discours destiné à vider le peuple traditionnel du SDF vers sa formation politique.

D’autre part, cette circonstance importante dans le basculement idéologique des militants vers un autre parti a correspondu avec la mise à l’étroit de Jean-Michel Nitcheu au sein du SDF. C’est la première fois qu’un ressortissant de cette région était ainsi mis à l’index, et du côté de Douala, quand on connaît l’importance de son vote pour un SDF dont l’assise était déjà essentiellement confinée dans les régions du Littoral, de l’Ouest, puis du Nord-Ouest/Sud-Ouest.

En clair, l’expression du vote tribal a été fatidique pour le SDF. Et c’est ce vote qu’il faut d’abord infléchir, en évitant que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets. D’où l’incontournable nécessité de remettre l’Ouest aux avant-postes de fonctionnement décisifs pour faire transparaître l’idée traditionnelle de partage du pouvoir entre anglophones et francophones au sein de ce parti.

Les contre-performances du SDF s'inscrivent aussi dans un contexte marqué par l'insécurité dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest où les sécessionnistes prônent la partition du pays et non le fédéralisme, mais aussi la montée en puissance du MRC qui gagne du terrain. Le SDF peut-il rebondir ? Il est quasiment difficile d’entrevoir aussi vite que le SDF va perdurer dans la situation actuelle à partir des causes conjoncturelles, susceptibles d’être contredites par la dynamique naturelle de la société. Il va donc de soi que les élections locales qui s’annoncent jouent naturellement en faveur d’une autre forme d’expression de la base électorale, les uns et les autres ayant des choix à faire valoir au plus près d’eux, notamment de leurs circonscriptions respectives, au ras-du-sol de leurs préoccupations pertinentes, quel que soit la nature des appareils politiques mobilisés par les candidats. Mieux, la crise dans le Nord-Ouest/Sud-ouest n’est pas figée, car la nature des réponses gouvernementales mobilisées jusqu’ici suggère des possibilités rassurantes d’amélioration.

Certes, le score obtenu par le MRC à la présidentielle était important, celui de l’UNIVERS aussi, mais cette performance reste à mettre en mémoire, puisque c’est un autre type d’élections qui s’annonce et qui a ses exigences, ses contraintes, ses spécificités ou ses approches. Tout reste donc à reconquérir. La renaissance du SDF peut-elle également passer par un changement au niveau du leadership du parti ou davantage par une réorientation idéologique et un discours plus conquérant vis-à-vis de l'ordre gouvernant? La renaissance du SDF convoque manifestement tous ces aspects à la fois.

En effet, le leadership est un vrai problème au sein du SDF, compte tenu des dissonances qui se donnent à voir à travers l’expression de certains responsables qui tiennent des conférences de presse, organisent des tournées et prennent des initiatives personnelles, sans respecter la distribution de l’ordonnancement hiérarchique du parti. Malgré ces turbulences classiques dans ce parti, Ni John Fru Ndi reste la seule référence significative de cette formation politique. Aucun leadership décisif n’est possible sans lui, car il maîtrise seul jusque-là le secret de son alchimie politique au sein du SDF.

Les ressorts idéologiques de ce parti quant à eux ont toujours été discutables, mais ils sont censés toucher les classes moyennes, voire un peu moins. Et c’est sur ce chantier qu’a littéralement atterri le MRC, indiquant à profusion que ce parti chasse essentiellement sur les terres du SDF. Sur cet aspect, le SDF doit désormais s’adresser à leur cible commune avec un discours plus attractif, plus mobilisateur, mais avec le risque de sombrer dans une démagogie peu commode pour un parti qui se veut crédible. S’agissant d’être un parti plus conquérant vis-à-vis de l'ordre gouvernant, voire d’un durcissement de ton à l’endroit de celui-ci, ce n’est pas le plus difficile à faire. Mais à condition d’être actualisé par rapport au contexte de l’heure et susceptible d’être par conséquent plus concret et moins balbutiant sur les problématiques de l’heure. Tout cela est justement possible .

 

Cameroon Tribune