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Redoutant une condamnation à vie de Maurice Kamto, ses avocats français saisissent Jean-Yves le Drian

Me Eric Dupond-Moretti,

Me William Bourdon, Me Stéphane Brabant, Me Eric Dupond-Moretti, Me Vincent Fillola et Me Antoine Vey, tous avocats français de Maurice Kamto et cie, redoutent une condamnation à vie de leurs clients.

Dans une correspondance adressée au ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves le Drian, ces juristes dénoncent de « graves violations de l’État de droit, le mépris de la constitution et les restrictions et atteintes aux droits humains », indiquant que « l’arbitraire qui semble s’imposer progressivement au Cameroun fragilise la confiance d’investisseurs étrangers, dont français, qui craignent désormais de plus en plus pour la sécurité de leurs représentants et de leurs investissements ».

Ces avocats inscrits au barreau de Paris poursuivent en mentionnant que Jean-Yves le Drian doit peser autant qu’il peut pour obtenir des autorités camerounaises qu’elles mettent un terme à ces procédures totalement iniques.

Ci-dessous l’intégralité de la correspondance.

« Monsieur le Ministre,

Nous sommes respectivement les conseils de Monsieur le Professeur Maurice KAMTO, de Monsieur Christian PENDA EKOKA, ainsi qu’environ 210 autres ressortissants camerounais qui ont été arbitrairement arrêtés fin janvier, au Cameroun. La majorité d’entre eux y sont détenus depuis plus de 7 mois dans des conditions illégales, inhumaines et dégradantes. Ces arrestations sont intervenues en marge de marches pacifiques organisées le 26 janvier 2019 à l’initiative du MRC, le mouvement politique de M. le Professeur Maurice KAMTO.

Ces marches visaient à dénoncer les conditions dans lesquelles Monsieur Paul BIYA avait été réélu, qualifiées par bien des observateurs neutres de « holdup électoral ». Toutes ces manifestations se sont déroulées de manière pacifique, à différents points du territoire camerounais.

La plupart des opposants ont d’ailleurs été arrêtés à leurs domiciles, avant ou après les manifestations, sans qu’il ne puisse leur être reproché le moindre trouble à l’ordre public. Certains d’entre eux ont été lourdement violentés à l’occasion de ces arrestations et ont été soumis à une série de traitements dégradants. À la suite de ces arrestations, les manifestants, tous des civils (universitaires, chefs d’entreprises, artistes, commerçants, etc.) ont été inculpés par un Tribunal militaire pour « hostilité contre la patrie, insurrection », infractions punies au Cameroun de la peine de mort.

Une série de recours ont été introduits, tant sur le plan interne que devant les organes internationaux compétents, notamment auprès des Nations Unies, pour faire constater l’illégalité de ces procédures et le traitement dégradant dont sont victimes les personnes poursuivies.

Courant avril, des avocats signataires ont pu se rendre à la maison d’arrêt de Yaoundé. Ils y ont constaté les conditions absolument inhumaines dans lesquelles près d’une centaine d’opposants sont incarcérés. De façon croissante, et plus intense ces derniers mois, de hauts responsables publics internationaux en Europe, au Canada et également aux États-Unis, ont fait part de leur préoccupation face aux dérives du pouvoir Camerounais. Si nous sommes conscients de la complexité de la situation, notamment au regard de la menace terroriste qui continue à planer sur cette région, il est également manifeste que le pouvoir en place instrumentalise cette menace pour essayer d’obtenir de la France, notamment, et des bailleurs de fonds institutionnels, une forme d’accommodement.

Nous voulons croire que cela n’est, et ne sera pas le cas. Le fait est, et vous en êtes conscient mieux que quiconque, que le Cameroun n’est pas le seul dans cette partie du monde à essayer d’obtenir une forme de complaisance de la communauté internationale, pour mieux manipuler dans le silence les institutions judiciaires aux fins de criminalisation des voix dissidentes.

Nous sommes les témoins d’un discours et d’actes nouveaux du Président Macron concernant l’Afrique et, dans cette perspective, nous ne doutons pas des démarches faites par la France pour rappeler au Cameroun ses obligations internationales, gravement foulées en l’espèce, et toutes les conséquences collatérales prévisibles ou invisibles que cette dérive est susceptible de faire peser sur la situation sécuritaire au Cameroun et, au-delà, sur la sécurité de l’ensemble des communautés étrangères qui y habitent et par conséquent, la communauté française.

De fait, aujourd’hui, plus que jamais, ces graves violations à l’État de droit, le mépris de la constitution et les restrictions et atteintes aux droits humains par ses dirigeants au prétexte d’abus de droits et libertés par une opposition qui ne fait en réalité que jouer son rôle dans un pays qui se veut démocratique, doivent être pris au sérieux par la communauté internationale et la France.

En effet et au-delà des conséquences humaines en l’espèce dramatiques, on note déjà que l’arbitraire qui semble s’imposer progressivement au Cameroun fragilise la confiance d’investisseurs étrangers, dont français, qui craignent désormais de plus en plus pour la sécurité de leurs représentants et de leurs investissements. Tous les observateurs constatent que lorsque l’État de droit est mutilé et que s’installe une forme d’insécurité pour la société civile, cette insécurité par un effet de contagion s’étend à l’ensemble des investissements nationaux ou étrangers. C’est une litote de dire que ces investissements, à certains égards peuvent être et ont été dans certains cas décisifs dans la production de richesses et la création d’emploi.

Ce lien entre développement et démocratie n’a jamais été autant établi, autant documenté et autant décisif pour l’Afrique et en l’espèce le peuple camerounais. De plus en plus d’investisseurs y compris français le savent et y sont attachés. On pourrait de plus craindre que compte tenu de la position stratégique qu’occupe le Cameroun dans le golfe de Guinée, objet de convoitises multiformes, l’instabilité dans ce pays aurait non seulement des répercussions au plan régional sur les populations et les investisseurs, mais aussi très probablement sur le plan international.

C’est pourquoi nous en appelons à l’autorité qui est attachée à votre fonction, mais aussi à votre expérience notamment du fait de la connaissance intime qui est la vôtre de l’Afrique pour peser autant que vous le pouvez, nous voulons dire à la limite haute de ce qui est possible dans le cadre de relations bilatérales, pour obtenir des autorités camerounaises qu’elles mettent un terme à ces procédures totalement iniques.

L’intérêt durable de la France et des Français n’est pas d’aller à contre-courant de la marche de l’Histoire, voire de rester parfois trop figée sur un statu quo, au regard des forces dynamiques - démographiques, urbaines, technologiques, économiques, etc.- qui façonnent l’Afrique en général et le Cameroun en particulier, et qui commandent de parier sur le renforcement de l’État de droit et de la démocratie.

Nos clients sont des femmes et des hommes non seulement profondément respectables et respectés pour leurs qualités professionnelles, mais aussi pour leurs qualités morales. Ils ont à ce titre reçu le soutien de nombreuses personnalités, partout dans le monde. La situation est d’autant plus préoccupante voire alarmante que nous avons appris ce jour que les détenus anglophones ont été condamnés à la prison à vie à l’issue d’une audience marathon et nous ne pouvons que craindre le même sort pour le Professeur Maurice Kamto, Christian Penda Ekoka et les autres 210 détenus.

Nous sommes évidemment disponibles pour être reçus par vos soins et/ou par celui de vos conseillers que vous désignerez, aux fins de prolonger cette discussion ouverte par cette lettre qui, bien entendu compte tenu de son importance et à nos yeux de son caractère crucial, a vocation à être rendue publique.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération ». Lettre co-signée : le Bâtonnier Christian Charrière-Bournazel, Me William Bourdon, Avocat à la Cour, Me Stéphane Brabant, Avocat à la Cour, Me Eric Dupond-Moretti, Avocat à la Cour, Me Vincent Fillola, Avocat à la Cour, Me Antoine Vey, Avocat à la Cour.