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Intimidation des enseignants grévistes : Des Chefs d’établissements complices du supplice

Alors que le gouvernement s’attèle à trouver un terrain d’entente avec les enseignants indignés, de nombreux chefs d’établissement eux, choisissent la carte de l’intimidation pour tordre le cou à leurs personnels.

Invectives, menaces, ponce-pilatisme et autres formes d’intimidation, voilà le sentier tortueux qu’ont choisi certains chefs d’établissements depuis le début de ces manifestations. De concert avec leur hiérarchie immédiate qui elle-même se serait malheureusement muée en vain en commando dans certains établissements scolaires, ces « proviseurs véreux » comme les appellent les manifestants du mouvement OTS, ont tôt fait de sacrifier leurs casquettes d’enseignants tout court, pour protéger jalousement leurs mangeoires, et les faits sont saillants. 21 février 2022, jour du lancement de la grève, Serge Paulin Ekodo, enseignant de mathématiques au lycée mixte d’Awae, s’est vu adresser une demande d’explication de la part de son proviseur Henry Ambassa, au motif de son absence à la surveillance des évaluations de fin du deuxième trimestre. 24 février, le Délégué départemental des enseignements secondaires pour le Haut Nkam dans la région de l’Ouest, fait irruption au Lycée Bilingue de Fonkouankem.

Sous un ton ferme, il va intimer l’ordre aux manifestants de suspendre leur action sur le terrain, sous peine de suspension de salaire. Même manœuvre au Lycée Classique de Bafoussam, où la Déléguée départementale des enseignements secondaires pour la Mifi n’a pas manqué de menacer d’un ton hautin les enseignants, non sans leur promettre d’envoyer les rapports en haut lieu. 25 février, les nommés Weti, Atembi, Nong et Baleng, tous enseignants à Edéa, sont convoqués par Boris Nguele, Préfet de la Sanaga maritime qui leur demande d’être accompagnés de leur proviseur.

La veille, c’est le proviseur Jean-Emmanuel NKOA du Lycée Technique de Mbalmayo dans la région du centre, qui s’était donné le zèle de dresser la liste des manifestants de son établissement, liste envoyée directement à Pauline Nalova, Ministre des Enseignements Secondaires. Comme lui, de nombreux autres chefs d’établissements comme Godwill Ewane du Lycée de Manengouba dans le département du Moungo, Balle Bouba du Lycée Technique de Kaelle, Christophe Kisito Ngono du Lycée Classique de Nkolbisson, Joseph Roger Kingué du Lycée Technique de Baham dans les hauts plateaux de l’Ouest, Martin Jemele du Lycée Technique de Fongo Tongo dans la Menoua, Jean Blaise Matouer, Proviseur au Lycée Technique de Sangmelima au sud du pays et bien d’autres, qui se sont montrés déplaisants aux yeux de la communauté éducative, en ce moment même où toutes les composantes sociales s’accordent à soutenir les chevaliers de la craie.

Une démarche regrettable que Jacques Evuna, enseignant à l’Université de Maroua a ironisée en ces termes : « Les chefs d’établissements sont d’une intelligence étonnante : le Premier ministre et la tutelle appellent les enseignants à la négociation ; eux, recourent à la menace pour embraser la situation ». Il faut dire que si ces quelques proviseurs et autres autorités de la chaine éducative, en complicité avec l’autorité administrative, ont agi à visage découvert, nombreux sont ceux des proviseurs qui ont choisi d’agir en sourdine. Leur approche : ils signifient aux manifestants du mouvement OTS de leurs établissements que c’est une revendication noble et légitime à laquelle eux-mêmes ne sauraient se désolidariser, mais après ils changent de langage quand ils se retrouvent face à leurs proches collaborateurs (censeurs et surveillants généraux) à qui ils exigent de dresser les états des absences et les listes des grévistes en toute discrétion. Mais pour quoi en faire ? Là reste la grande interrogation.

Visiblement, le mouvement OTS et l’opération « craie morte » auront donné l’occasion à certains de ces chefs de démontrer à quel point ils seraient prêts à tout sacrifier pour rester accrochés à leurs fauteuils.

L’opération « Craie morte » qui fâche

Voilà déjà plus de deux semaines que la corporation des « seigneurs de la craie » a décidé d’exprimer son ras-le-bol à travers un mouvement dénommé OTS (On a trop supporté). En effet, ce mouvement dont l’écho avait très favorablement retenti dans l’ensemble du pays via les réseaux sociaux, a entrepris d’observer une grève si particulière, jamais vécue au Cameroun. Alors qu’on les attendait dans la rue, les enseignants ont opté pour l’opération « craie morte », qui consiste à se rendre dans leurs lieux de service respectifs, mais sans toucher à la craie, et donc sans enseigner. Depuis le 21 février, les manifestations ont effectivement pris corps, paralysant ainsi les enseignements dans les établissements scolaires publics.

Fausse manœuvre gouvernementale

Dans sa posture de principal interlocuteur des enseignants, le gouvernement, par le biais des services du premier ministre, a tenu à rencontrer les représentants des syndicats des enseignants. Seulement, rien de satisfaisant n’est sorti de ces multiples tractations. Non seulement le gouvernement s’en est mal pris en convoquant non pas les acteurs du mouvement OTS, considérés comme principaux activateurs de la grève, mais plutôt les autres syndicats tels que le collectif des enseignants indignés, le Synes et autres qui semblent avoir été désavoués au regard de la non franchise de leurs leaders. Aussi, les résolutions prises lors de ces rencontres ne sont pas en phase avec les revendications fondamentales des grévistes. Pendant que ces derniers réclament à la base leurs compléments de salaire, leurs rappels et autres actes d’intégration et ou d’avancement avec effet financier automatique, on leur propose plutôt à court terme, le payement des indemnités de correction des examens Probatoire et Baccalauréat de la session antérieure. Et même dans cette promesse de payement des frais de correction, il n’y a rien de précis pour tenter de désamorcer cette crise en gestation.

Argent en poche, craie en main

Suite à ce quiproquo, les enseignants restent jusqu’à présent catégoriques et déterminés à faire entendre leurs cris de détresse jusqu’à la satisfaction totale de leurs revendications, estimant que le gouvernement n’a encore pris aucune résolution forte pour résoudre leurs problèmes. « Le gouvernement prend trop nos doléances à la légère. D’abord, toutes les assises de l’immeuble étoile se sont faites jusqu’ici avec les représentants du premier ministre, et non lui-même en personne. Ensuite, l’absence des garanties quant à ces prétendues résolutions toutes évasives et théoriques, sans date fixée. En fin, le contournement des vrais problèmes de l’enseignant sont des faits qui nous poussent à comprendre que la situation est traitée avec négligence », s’offusque Félix Soukuingawa, PLEG de philosophie au lycée bilingue de Baleng. Pour Fotso Lekoubou, enseignant de Mathématics au lycée bilingue de Maroua, tous ces communiqués n’ont aucun effet sur le mouvement tant qu’ils resteront simplement écrits : « Nous attendons les décisions et non les promesses ! La résurrection de la craie est conditionnée par nos comptes fournis et l’application du décret du statut particulier du personnel de l’éducation nationale ». Une telle méprise de la part du principal interlocuteur des enseignants dans ces revendications, emmène alors les manifestants à dire, comme Nkoah Timothée, enseignant d’histoire-Géographie, que « La lutte continue ».

L’information No 038 du 09 au 16 mars 2022