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Iran : indignation après les clichés de sans-abri vivant dans des tombes

L’homme est de ceux dont l’âge est impossible à deviner. Son visage, ses mains et ses vêtements sont noircis par des jours, voire des semaines, de vagabondage. Sur l’une des photos publiées, on le voit en train de sortir d’une tombe, bouche entrouverte. Il lui manque quelques dents et une fumée blanche s’élève derrière lui. Il regarde droit dans le viseur.

Cette photo, ainsi qu’une dizaine d’autres, publiées dans le quotidien iranien Shahrvand, montrent des hommes et des femmes, toxicomanes pour la plupart, qui vivent dans des tombes, dans un cimetière à Shahriyar, une province à l’ouest de Téhéran.

Dans le reportage accompagnant ces clichés, on apprend qu’il existe dans le cimetière de Nasirabad 300 tombes creusées à l’avance et que, la nuit tombée, des sans-abri dorment dans au moins 20 d’entre elles. « Cela fait un mois que le froid a poussé ces gens, ainsi qu’un enfant de 8 ans, à venir trouver refuge dans ce cimetière », écrit la journaliste Maryam Roustayi.

« Pendant la journée, ils quittent ces tombes pour aller chercher de la nourriture ou de la drogue, poursuit l’article. Certains mendient tandis que d’autres récupèrent, dans les poubelles, plastique et carton, et les vendent. Mais toute la journée, ils s’inquiètent pour leur tombe et pour les affaires laissées, craignant que d’autres sans-abri les leur volent. La nuit, ils entrent dans l’une des tombes, seul ou à trois ou quatre, couvrant leur tête de grandes affiches trouvées dans la rue, de couettes ou de bouts de bois à moitié brûlés et dorment à l’intérieur, la plupart du temps debout. »

La diffusion très large de ces photos et du reportage a suscité l’émoi des iraniens, qui ont fait part de leur indignation sur les réseaux sociaux. Le grand réalisateur Asghar Farhadi a adressé, le 27 décembre, une lettre ouverte au président Hassan Rohani, dans laquelle il exprime sa honte et sa tristesse.

« Je voudrais partager cette honte avec tous ceux qui ont eu une responsabilité dans ce pays ces trente-et-quelques années (depuis la révolution iranienne, en 1979)« , écrit le seul lauréat iranien de l’Oscar (pour le film Une Séparation, en 2012). Et de continuer : « Qui répondra à cette injustice invisible? Rares sont les gens bien intentionnés qui en parlent, mais ils sont attaqués et taxés de vouloir ternir l’image du pays. Cette accusation est une fuite en avant des responsables du pays. »

La réaction du président Rohani n’a pas tardé. Au lendemain de la publication de cette lettre, lors d’un discours en public, le chef de l’Etat a déclaré : « J’ai lu la lettre, triste, d’un de nos artistes. Nous avions déjà entendu parler des pauvres qui vivaient dans la rue ou sous les ponts, mais très rarement on a entendu parler de ceux qui dorment dans des tombes. Cette affaire n’est pas tolérable, ni pour l’Etat ni pour le peuple. »

Malgré les efforts du bureau du président pour que « le problème du cimetière de Nasirabad soit réglé » et que « le résultat soit annoncé à la population », un autre quotidien, Ghanoon, a rapporté que les autorités de la province de Shahriyar ont, dès mardi, évacué le cimetière de ses occupants. Désormais, semble-t-il, ils vivent dans un bâtiment abandonné à proximité des tombes qui, pour un mois, avaient été leurs maisons.

© Le Monde