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Loi sur le tribalisme à l’Assemblée Nationale : surprenante réaction de Dieudonné Essomba

Dieudonné ESSOMBA

Les mesures répressives contre les discours haineux à caractère tribal sont sur la table des députés. Les pouvoirs publics ont donc décidé de passer à une autre phase, celle de la répression de ces infractions qui prennent de plus en plus une connotation tribale dans notre pays. Une initiative qui suscite des analyses et des commentaires.

Lisons la sortie du consultant TV, Dieudonné Essomba

LOI SUR LE TRIBALISME : ON PUNIT D’ABORD LES ACTES AVANT DE PENALISER LE DISCOURS ! Si on croit les multiples rumeurs, une loi pénalisant les discours tribalistes serait déposée à l’Assemblée dans les jours à venir. On peut, certes, se réjouir de la prise en compte de cette réalité que personne n’approuve, mais une loi est faite pour être appliquée et non pour l’affichage.

Et avant de rendre une loi, il faut d’abord procéder à sa simulation, vérifier comment elle va s’appliquer de manière concrète. Quand les Européens punissent le discours antisémite ou le discours raciste, cela signifie que les actes liés à ces délits sont codifiés au préalable et sévèrement punis.

Ensuite, le discours promouvant de tels actes est à son tour réprimé. Mais on ne peut pas laisser les actes de racisme prospérer pour ne punir que les discours qui sont souvent la conséquence relativement inoffensive de ces actes criminels! Au Cameroun, il n’existe pas une loi qui punit les actes de tribalisme. La loi sur le discours tribaliste, avec ses notions « d’outrage à tribu » pose de sérieux problèmes opérationnels qu’on peut illustrer à travers quelques exemples au hasard :

EXEMPLE 1 : Après les élections où quelqu’un constate que les populations du Centre-Sud-Est votent massivement Biya et dit : « les Betis sont fainéants et jouisseurs ; ils craignent de perdre le pouvoir et soutiennent donc leur frère Biya jusqu’au bout». Eh bien, une telle phrase est-elle ou non un outrage aux Betis ?

EXEMPLE 2 : Un autre mène une enquête à Yaoundé et tire une conclusion : « Même à Yaoundé, les Bamileke ne recrutent que les leurs dans leurs boutiques, preuve qu’ils sont très tribalistes et veulent s’emparer du pays». Une telle phrase est-elle un outrage aux Bamileke ou non ?

EXEMPLE 3 : un troisième constate qu’un Directeur Général Bassa ne recrute que les membres de sa tribu, promeut les Bassa, et je dis : « vraiment, ces Bassa sont difficiles à vivre dans un pays aussi divers que le Cameroun ! » Est-ce un outrage ou non ?

EXEMPLE 4 : dans un débat, un Bamileke partisan du MRC dit à un Nordiste : « vous n’avez pas suivi Kamto qui est le seul sauveur du Cameroun, vous êtes de moutons ! » Et le Nordiste lui répond : « Vous êtes des porcs ! » Est-ce des outrages ? On peut multiplier des exemples à l’infini, mais on ne s’en sortirait pas. Vous ne pouvez pas créer une loi réprimant le discours sur le tribalisme sans avoir d’abord une loi qui réprime les actes de tribalisme, car ce sont justement ces actes qui alimentent les discours tribalistes! Or, les actes de tribalisme sont partout au Cameroun ! La tribu est dans notre sang et nous la vivons tous les jours, dans tous nos actes quotidiens ! Dans l’administration publique, dans le secteur privé, dans les quartiers et les villages, pendant des élections, le Camerounais vit comme un poisson dans une mer de tribalisme.

Comment peut-on donc empêcher les gens de dire ce qu’ils voient, quelquefois en de termes violents ? Cette fuite en avant exprime dans sa forme achevée l’impéritie d’un système qui refuse toute évolution dans le bon sens. Les tensions communautaires au Cameroun, et le discours subséquent ont bel et bien une origine : l’Etat unitaire ! C’est cet Etat qui développe le tribalisme agressif et les discours haineux en multipliant les compétitions sur les emplois publics, les postes au pouvoir, les infrastructures ou les rentes. C’est l‘exaspération ressentie devant le partage de ces avantages qui crée la haine tribale, car il suffit qu’une communauté ait moins que ce qu’elle estime mériter pour qu’elle regarde l’autre avec dureté et l’accuse de tous les noms d’oiseau ! La flambée de tribalisme actuelle n’est pas dissociable de la bagarre que se mènent les tribus pour le pouvoir d’Etat.

Nous avons clairement les extrémistes Bamileke qui estiment leur moment venu pour jouir aussi du pouvoir d’Etat comme les Fulbe et les Ekang et qui s’impatientent, et de l’autre côté, les extrémistes Ekang dont la Communauté est sensée être au pouvoir et qui leur disent : « Non ! ce n’est pas comme cela que les choses marchent ! » Trêve d’hypocrisie ! Comment vous pouvez donc empêcher que dans leurs frustrations, les Bamileke ne développent un langage d’aigreur de haine, non seulement contre les Ekang, mais aussi contre ceux qui ne veulent pas s’aligner à leur prétention qu‘ils estiment légitime ? Les gens veulent empêcher la parole sans résoudre les problèmes qui conduisent au discours haineux ! Ils conservent un système qui, par sa nature même, alimente des frustrations communautaires et ils ne veulent pas que les gens les expriment ! Du reste, ils vont faire comment ? Ils vont contrôler les réseaux sociaux ? Ils en ont les moyens ? Ils vont fermer la bouche à NGANANG aux USA ? Ils iront en Europe empêcher la BAS de tenir des discours haineux et des les diffuser dans INTERNET sur toute la surface de la terre ? S »’ils n’ont pas réussi cette BAS à agresser le Président de la République lui-même devant les caméras du monde entier, c’est le discours haineux qu’ils vont empêcher ? On a dit et redit aux gens du pouvoir que le problème fondamental au Cameroun qui va nous amener la guerre civile, c’est cette concentration folle du pouvoir d’Etat entre les mains d’un individu vite identifiée à sa communauté qui intensifient à l’extrême les compétitions intercommunautaires.

C’est cet Etat unitaire qu’on veut conserver comme un totem démonique qui cuit la haine. Vous ne pouvez donc pas supprimer le discours tribal tant que sa source reste, à savoir un Etat unitaire que se disputent les Communautés. C’est au vu de cela que l’Humanité, après des milliers d’années, a expérimenté un système qui a fait ses preuves, aussi bien dans le passé en Afrique, où tous les Etats précoloniaux étaient des Fédérations ou des Confédérations, que dans le monde actuel où les Etats fédéraux marchent largement mieux que les Etats unitaires.

Au lieu de poursuivre cette voie de sagesse et adopter le modèle fédéral qui éteint le tribalisme de manière naturelle, en réduisant la compétition intertribale dans les limites tolérables, une élite dévoyée veut nous embarquer dans la folie de la répression des discours tribalistes, tout en évitant soigneusement de légiférer sur des actes autrement plus criminels de tribalisme qu’ils posent chaque jour. Ils veulent en fait empêcher les vrais patriotes de dénoncer leurs actes et leur système défectueux en leur fermant la bouche !

Dieudonné ESSOMBA