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Discours de Nouvel an 2020 : « On ne peut pas dire que le président a fait une déclaration de guerre », prof Ntuda Ebode

prof Ntuda Ebode

Le directeur de l’Institut de gouvernance, des sciences humaines et des sciences sociales de l’Université panafricaine, décrypte dans une interview accordée à Cameroon Tribune, le volet sécuritaire du discours à la Nation du chef de l’Etat

Professeur, le président de la République dans son message à la Nation, a réitéré la main tendue pour le dialogue mais a indiqué que les sécessionnistes qui n'abandonneront pas les armes seront combattus. Est-ce une déclaration de guerre?

Non ! On ne peut pas dire que c'est une déclaration de guerre. D'abord parce sur le plan technique, les opérations en cours dans ces deux régions entrent plus dans le cadre du maintien de l'ordre renforcé que d'une guerre proprement dite. Dans ce registre, on actionne davantage les forces de première et de seconde catégorie, avec le soutien tactique ou logistique de temps en temps des forces spéciales et/ou de troisième catégorie, pour le traitement des objectifs précis. Par ailleurs, on ne peut parler de déclaration de guerre ici dans la mesure où le rappel que fait le président de la République est resté constant depuis le déclenchement de cette crise et surtout, depuis l'offre de dépôt des armes faite aux sécessionnistes. Ce rappel n'implique nullement d'ailleurs une montée en puissance des dispositifs en place. En somme, il s'agit donc juste d'une mise en garde aux irrédentistes : saisissez l'opportunité de sortie de crise qui vous est offerte, avant que l'Etat, dans l'exercice régulier de ses missions de maintien de l'ordre ne s'en prenne à vous.

Comment concilier restauration de l'autorité de l'État et respect des droits de l’Homme dans ce contexte?

Dans le principe, la prescription principale, c'est de ne recourir à l'usage de l'arme qu'en cas de légitime défense. Cette posture est facilement gérable lorsque d'une part, les forces ont en face d'elles des populations non armées et d'autre part, des nationaux qui manifestent pacifiquement et dans le respect de la législation en vigueur. La difficulté dans la situation actuelle vient du fait qu'en face, elles ont certes une population majoritairement non armée, mais au sein de laquelle aussi se sont installés des groupes du crime organisé, des rebelles sécessionnistes armés et soutenus de l'extérieur et des mercenaires étrangers. Le traitement ne peut donc pas être le même, selon qu'il s'agit d'un Camerounais non armé, d'un combattant camerounais rebelle ou d'un mercenaire. Le Camerounais rebelle et armé conteste le monopole de la violence légitime reconnu à l'Etat et le mercenaire est un agresseur. Dans une situation de conflit, ils sont traités comme des combattants. Pour ce qui est des Camerounais non armés, il faut encore distinguer ceux qui participent d'une manière ou d'une autre au conflit; en finançant, en hébergeant, en alimentant, en informant... les forces rebelles et mercenaires de ceux qui subissent tout juste.  En somme et comme on le voit, la situation sur le terrain est complexe et la question des droits de l'Homme n'est gérable qu'au cas par cas. Néanmoins, la présomption d'innocence, le droit à un procès équitable, l'interdiction des exécutions extra judiciaires et un traitement humain et digne des prisonniers font partie des consignes à respecter par les Forces au front et en cas de non-respect, les auteurs doivent être jugés conformément à la réglementa/tion en vigueur. D'une manière générale cependant, la restauration de l'autorité de l'Etat dans le respect des droits de l'Homme passe par le renforcement du renseignement prévisionnel et opérationnel, dans l'optique de limiter les effets collatéraux sur les populations innocentes, tout en intensifiant la lutte contre le crime organisé, les rebelles et les mercenaires.

Quelle est la place de la reconstruction dans cette dynamique de restauration de l'État ?

Dans la dynamique de l'analyse du conflit, la reconstruction participe des procédés de la consolidation de la paix. Elle intervient après l'accord politique qui dans ce cas est l'équivalent fonctionnel du Grand dialogue national. Elle suppose que les armes se sont tues et est le symbole vivant d'une renaissance post conflit .

Quelles formules et stratégies préconisez-vous pour éviter de tomber dans des phénomènes comme le grand banditisme ?

Le recul de l'autorité de l'Etat a, entre autres, eu pour conséquence la propagation des groupes du crime organisé. Il n’est pas exclu que ces groupes perdurent après la normalisation de la vie et installe le grand banditisme. Pour y faire face par anticipation, on pourrait entre autres, d'une part densifier la lutte contre la production des stupéfiants, la fabrication des armes artisanales et leur circulation. D'autre part, revoir le dispositif sécuritaire dans le sens d'un meilleur maillage des territoires concernés et intensifier les mesures de confiance avec le Nigeria dans la gestion des flux transfrontaliers, tout en renforçant le renseignement prévisionnel et les initiatives de développement local.