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Cameroun : Macron évoque la situation de Maurice Kamto, et fait pression sur Paul Biya [JEUNE AFRIQUE]

Paul Biya est classé dans la catégorie des président peu fréquentables par Emmanuel Macron. Dans un entretien exclusif accordé à Jeune Afrique ce vendredi 20 novembre 2020, le président français indique avoir mis la pression sur Paul Biya pour avoir des gestes d’apaisement de sa part. Il va plus loin cette fois-ci en évoquant l’après Biya. En effet Emmanuel Macron pense déjà au renouvellement de la classe dirigeante au Cameroun. 

Le conflit se poursuit dans les régions anglophones du Cameroun et l’opposition est régulièrement réprimée – Maurice Kamto en fait notamment les frais. Il y a un an, vous avez assuré vouloir « mettre un maximum de pression sur Paul Biya ». Que peut faire la France ?


Et c’est ce que j’ai fait puisque je vous rappelle que, pendant très longtemps, le président Biya n’est pas venu en visite officielle en France. Nous avions eu des contacts par voie téléphonique, mais je lui avais demandé des gestes de confiance avant sa venue à Lyon, en octobre 2019. Il les avait faits, il y a un an, avec un certain nombre de libérations.


"J’INVITE LE PRÉSIDENT BIYA À EFFECTUER DES GESTES D’OUVERTURE"


La situation s’est de nouveau tendue et j’invite le président Biya à effectuer des gestes d’ouverture. Lui aussi doit préparer le renouvellement et pacifier son pays, d’autant qu’il a un autre défi beaucoup plus grand : celui de l’avancée de Boko Haram. Il faut qu’il réengage au maximum son pays dans la lutte contre le terrorisme aux côtés du Nigeria et surtout du Tchad, qui porte beaucoup de la charge, parfois seul.



Alpha Condé, Alassane Ouattara… Les modifications constitutionnelles permettant de lever le verrou du nombre de mandats des chefs d’État se multiplient. Que dites-vous à vos homologues qui ont recours à de telles modifications pour se maintenir au pouvoir ?

La France n’a pas à donner de leçons. Notre rôle, c’est d’en appeler à l’intérêt et à la force qu’a le modèle démocratique dans un continent de plus en plus jeune. L’Afrique a intérêt à construire les règles, les voies et les moyens pour avoir des rendez-vous démocratiques réguliers et transparents.

L’alternance permet la respiration. Elle est aussi le meilleur moyen de permettre l’inclusion dans la vie politique et de lutter contre la corruption, qui est le pendant d’une conservation trop longue du pouvoir. Ce ne sont pas des leçons, c’est du bon sens.

LA SITUATION EST GRAVE EN GUINÉE, POUR SA JEUNESSE, POUR SA VITALITÉ DÉMOCRATIQUE

Après, ce n’est pas à moi de dire : « La Constitution doit prévoir x ou y mandat ». Je rappelle que la France elle-même, jusqu’il y a douze ans, n’avait pas de limitation du nombre de mandats dans sa Constitution.

Mais il n’y a pas eu en France de changement des règles du jeu en cours de route pour se maintenir au pouvoir…

C’est exact. Pour revenir aux deux cas particuliers que vous évoquez, je vais vous dire ce que j’en pense en toute franchise. Je ne mets pas le cas de la Guinée et celui de la Côte d’Ivoire dans la même catégorie.

J’ai eu plusieurs fois des discussions avec le président Alpha Condé – des discussions très franches, y compris le 15 août 2019, quand il était en France. Le président Condé a une carrière d’opposant qui aurait justifié qu’il organise de lui-même une bonne alternance. Et d’évidence, il a organisé un référendum et un changement de la Constitution uniquement pour pouvoir garder le pouvoir. C’est pour ça que je ne lui ai pas encore adressé de lettre de félicitations. Je pense que la situation est grave en Guinée, pour sa jeunesse, pour sa vitalité démocratique et pour son avancée.


En quoi la récente réélection d’Alassane Ouattara à un troisième mandat, lui aussi grâce à un changement de la Constitution, serait différente ?


Le président Ouattara s’est clairement exprimé en mars pour dire qu’il ne ferait pas de troisième mandat. Je l’ai tout de suite salué. Un candidat avait été désigné pour lui succéder : le Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly. Mais à quelques semaines de l’échéance, il s’est retrouvé dans une situation exceptionnelle avec le décès de ce dernier. Je peux vous dire, de manière sincère, qu’il ne voulait pas se représenter pour un troisième mandat.

JE PENSE VRAIMENT QU’ALASSANE OUATTARA S’EST PRÉSENTÉ PAR DEVOIR

Avez-vous essayé de l’en dissuader ?

Nous avons eu une discussion très franche en septembre, quand il est venu ici. Tout le monde a bien noté ce long déjeuner en tête-à-tête que nous avons eu. Je lui ai dit ce que je pensais et j’ai entendu ses arguments et son inquiétude pour la stabilité du pays. Il a considéré qu’il était de son devoir d’y aller et qu’il ne pouvait reporter l’élection.

Nous avons continué à avoir des discussions durant la campagne, puis au soir même du premier tour et plus récemment, le 14 novembre. Il est maintenant de sa responsabilité d’œuvrer pour la réconciliation, de faire les gestes, d’ici aux élections législatives, pour pacifier son pays. Il est parfaitement conscient des tensions actuelles qui ont causé la mort de plus de 80 personnes.


Il lui faut également réussir à se réconcilier avec les grandes figures de la politique ivoirienne. Les initiatives prises à l’égard d’Henri Konan Bédié sont, à cet égard, importantes, de même que les gestes à l’intention de Laurent Gbagbo. Mais il faudra quoiqu’il arrive favoriser un renouvellement générationnel.

 

Source: Jeune Afrique