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Cameroun-Opinion « Un Espoir nommé Matomba », Gaston Kelman

Gaston KELMAN

L'écrivain camerounais, Gaston Kelman, dans une chronique intitulée « Un Espoir nommé Matomba », revient sur le scrutin présidentiel du 07 octobre passé, ayant conduit à un septième mandat consécutif à la tête du pays le candidat du RDPC, Paul Biya. Pour cet auteur, best-seller en 2003 du célèbre ouvrage : « Je suis noir et je n'aime pas le manioc », l'irruption de la jeunesse camerounaise dans le champ politique a été une nouveauté. Parmi ces jeunes, dit-il, un a « fait la politique autrement », il s’agit de Serge Espoir Matomba

Lire l’intégralité de cette chronique de Gaston Kelman

Au lendemain de l’élection présidentielle camerounaise de 2018, on m’a proposé une chronique dans le journal français Paris Match. La demande était précise. Elle concernait la nouveauté que représente l’irruption de la jeunesse camerounaise dans le champ politique.

Cette demande correspondait à l’aspect que j’avais trouvé le plus intéressant à l’occasion de cette consultation électorale. J’ai parlé du vieux monde qui s’effondre, incarné par quatre candidats de qui je n’attendais pas la révolution. Je n’ai pas été déçu, bien au contraire. Chacun à sa manière, avait servi le pouvoir en place. J’ai présenté la jeune classe politique porteuse d’espoir. Si Cabral Libii  le personnage principal de mon article français  a captivé l’attention par son tempérament de fonceur, en face se dresse un phénomène naissant dans le paysage camerounais, qui fait la politique autrement et qui, parce qu’il va lentement, ira sûrement et loin. Il s’agit vous l’aurez compris de Serge Espoir Matomba.

Au hasard d’une navigation sur la toile, j’apprends qu’il tiendra une Assemblée générale de son parti au cours du weekend du 8 décembre pour dresser le bilan des élections passées et préparer les échéances à venir. Ceci me conforte dans la certitude de la qualité de sa démarche. Matomba fait de la Politique avec un P en majuscule de noblesse, comme bien peu quand il y en aurait  l’ont fait en Afrique avant lui. Je me suis laissé dire qu’il est un énergique chef d’entreprise. Je sais qu’il a créé un parti politique pour proposer une nouvelle perspective à ses concitoyens.

J’ai lu qu’il a été élu conseiller municipal dans un arrondissement de Douala. J’ai beau chercher depuis les indépendances africaines, je ne vois pas son équivalent. Je vois, une race en voie de disparition, des militaires parfois allumés, faire main basse sur le pouvoir, promettant un intermède plus ou moins long de salut public. Je vois des dauphins, des fils succédant à leurs pères dans une espèce de monarchie tropicale. Je vois des sexagénaires(Kamto Ndlr) aux méthodes de Jean Ping, hier thuriféraires du régime et de son chef, qui à l’automne de leur vie, les poches pleines des deniers récoltés à l’exercice du pouvoir, rêvent d’une retraite dorée à la tête de l’état, leur propres têtes saturées des idées d’hier et d’une aliénation postcoloniale aberrante. Je vois des jeunes frappés de sénescence précoce, zombis sans âme, charognards flamboyants, trainant derrière des aînés en quête d’adoubement. Et loin de cette galerie, je vois d’autres jeunes dont le bien nommé Serge Espoir Matomba. Je me dis que ces hirondelles annoncent une renaissance. Je ne pense pas que l’on puisse faire du neuf avec nos vieux. Je ne pense pas que les jeunes puissent innover avec les vieilles recettes. On dit à l’envi que les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent. La grande erreur des analystes a souvent été de penser qu’il y a une césure entre les bons qui gueulent sur le bas-côté et les mauvais qui comme par malédiction, sont au pouvoir. Le père Paneloux dans La peste d’Albert Camus, disait à ses paroissiens : « Nous sommes dans le malheur, mes frères nous l’avons mérité ».

A titre d’illustration, je pense à cet universitaire camerounais de haut vol qui dénonça jadis la difficulté de l’intellectuel à prendre ses distances par rapport au pouvoir. La suite de son histoire, après avoir arpenté les couloirs des palais de la république comme ministre et sherpa du chef, la soixantaine venue, cet homme qui désormais adhère à ce qu’il dénonçait, concourt pour la magistrature suprême, incapable hélas de rester dans son rôle de formateur de la jeunesse.

Cet exemple permet de juger de la faillite des hommes de science et des intellectuels. Au Cameroun, m’a-t-on dit, l’agrégation serait le concours qui autorise tous les rêves pour un marocain ministériel. Nous rêvons donc d’une génération qui fera de la politique comme la firent les pionniers des indépendances, une génération qui acceptera de monter pas à pas, de passer élection après élection, par les apprentissages indispensables à la conquête du pouvoir. N’est-ce pas ce façonnage, ce polissage au creuset politique qui manque peut-être au talentueux Macron. Je pense sincèrement que Serge est un espoir, une étincelle qui mettra le feu à l’émergence de cette nouvelle race. Jusque-là, je pense qu’il a réussi un sans-faute exceptionnel. Chef d’entreprise, n’attendant donc pas du pouvoir une rente de situation, conseiller municipal en construction d’un fief. J’apprends que dans une recherche de synergies, il aurait fait alliance avec un syndicat et une officine du patronat. Avec sa gueule de gendre idéal, tout en modestie, en efficacité et avec ce sourire velouté, il est promu à un bel avenir. Aidons-le. Il est si difficile de bâtir une nation. Cela passe par la création d’une identité propre, d’un ADN de groupe.

Le nôtre aujourd’hui est encore marqué par la quête postcoloniale du bien-être individuel. C’est une étape obligée pour tous les anciens peuples dominés. Tout comme on retrouve chez ces peuples une aliénation pathologique – pardonnez le pléonasme – au modèle de l’ancien maître. Nous y sommes tous. Mais travaillons à ce que cette étape soit de courte durée. Comme leader politique au profil novateur, Serge Espoir Matomba doit faire de l’éducation des masses, une priorité absolue.

A titre d’illustration, pour sortir de la crise anglophone actuelle et s’assurer qu’il n’y en aura pas d’autres, nous devons apprendre à ce groupe qu’il n’est pas anglophone, mais camerounais, puis bamiléké et sawa. Que sa revendication doit être pour un Cameroun uni dans un même système éducatif et dans un même système judiciaire ; que ces systèmes sont à inventer, pas à copier de l’ancien maître, jusqu’à ces paillassons psychédéliques que l’on voit sur les têtes de magistrats bantous. Il doit savoir que pour sortir les Camerounais du tribalisme, il faut que la nation soit hissée au-dessus de ces tribus que l’on récupère vaille que vaille pour masquer les échecs et la vacuité idéologique. Et ceci passe par une langue commune et la primauté du droit du sol sur le droit du sang, des origines.

Alors, Kamdem né et élevé à Yaoundé sera un Yaoundé et Atangana pourra être élu citoyen de l’année à Bamboutos. La jeunesse doit s’engager dans cette voix de la création d’une nation à travers une vraie identité qui passe par l’invention de systèmes communs, éducatif et juridique entre autres, d’une langue commune pour un destin commun. En m’appuyant sur sa capacité de résilience, je pense que Serge Espoir Matomba est un de ces jeunes qui peuvent conduire le pays vers cette voie. Les élections se suivent au Cameroun et se ressemblent, vous dit-on. On pense à l’adage qui présente le football, «sport où deux équipes de onze joueurs chacune, s’affrontent et c’est … l’Allemagne qui gagne».

En ce qui concerne les résultats immuables des élections camerounaises, chacun avance sa théorie. Mais tout le monde est unanime pour dire que la dernière présidentielle a drainé une foule d’innovations. Bientôt de nouvelles échéances, de nouveaux défis pour la jeunesse, de nouvelles espérances pour la population, une aube nouvelle pour la nation.

 

Gaston KELMAN