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Cameroun-Opinion « Cabral est mon héritier dans la pensée », Martial Bissog

Dans cette interview accordée à LeWouri.Info, Martial Bissog, propose une série d'éléments d’analyse sur sa situation politique du Cameroun, l'homme politique, journaliste et écrivain passe en revue la dernière élection présidentielle et l'influence des différents acteurs

237actu vous propose l’intégralité de cette interview

Que pensez-vous des leaders politiques au Cameroun ?

J’ai décidé de ne pas me focaliser sur des personnes. Les Camerounais ont des problèmes de personnes et ils sont très épidermiques surtout en ce moment, dès que vous faites une analyse, on juge que vous êtes jaloux, un aigri. Martial Bissog est un homme structuré, un leader, qui dit ce qu’il pense.

Joshua Osih ?

Osih s’est désagrégé en plein vol. C’était quelqu’un qui avait tout pour jouer un rôle majeur, mais il n’a pas pu. On peut lui donner des circonstances défavorables, il a été coupé de son lien mystique au village. Il n’a pas pu aller boire dans le crâne de son grand père au village, à Kumba même s’il est de Kribi. Vous voyez que spirituellement et ésotériquement, il était déstabilisé.

Cabral Libii ?

Il est clair pour moi que Cabral était le jeune que tout le monde attendait. Il a eu le malheur de n’avoir pas une grande équipe, mais c’est pour nous un très bon signal surtout pour la jeunesse. C’est un peu mon héritier dans la pensée, parce qu’il a pris exactement la place qu’un jeune devrait prendre à cette élection. Il faut aussi noté, qu’il a eu beaucoup de problèmes de logistique, et un problème au niveau du discours politique. Il n’a pas eu le discours politique du grand révolutionnaire.

Maurice Kamto ?

Kamto a le défaut de son talent. Cela s’appelle l’intellectualisme et vous savez, que l’intellectualisme se définit comme un frein à l’action. Quand vous êtes incapable de tuer l’intellectuel en vous, vous restez un gentleman. La politique ce n’est pas pour les gentlemans. Maurice Kamto, personne ne peut lui contester le degré supérieur de neurone c’est une qualité, mais sur le terrain politique, il y a quelque chose qui manque.

Vous affirmiez dernièrement que notre pays est un microcosme où le taux de négativité est très élevé et que par ricochet personne ne dit du bien de personne. Ce taux de négativité est dû à quoi selon vous ? La panacée viendra d’où pour chambouler les mentalités ?

Les Camerounais n’aiment pas les gens très brillants, mais des gens qui sont à leur image. La négativité est un concept qu’il faut redéfinir pour mieux le cerner, mais pour parler trivialement, on se moque de quelqu’un, on dit qu’il est un pauvre type.

Dans notre pays, à partir du moment où, vous vous élevez dans la pensée, ou même socialement, vous devenez l’ennemi du peuple camerounais. Nos dirigeants sont bien conscients de cela, c’est dans cette lancée qu’ils nous ont produit des pseudos leaders. Plus haut, je disais que le taux de négativité a atteint une proportion inquiétante, j’ai abondamment développé le sujet dans mon dernier ouvrage, l’Afrique et son cancer de colon.

Plus le taux de négativité est élevé, moins le développement est abouti. Pour savoir, si un pays est développé il suffit de voir comment se comportent les citoyens. La négativité est un ensemble de signaux pas positif, qui se reflète sur le vivre des gens, sur la culture, sur le devenir. Regarder les visages des Camerounais aujourd’hui, ils sont attachés. Les gens ont perdu la notion de sourire

. Les causes de cette négativité sont connues. Il s’agit de la misère, la frustration, la jalousie, la haine. Un peuple qui pense que le succès c’est pour quelques uns devient un peuple négatif. La solution est simple, les Camerounais ont besoin d’être heureux, il faut tout faire pour redonner de l’emploi, pour redonner de l’espoir, pour redonner de l’amour aux gens.

Nous sommes en 2019, Paul Biya, le président de la république est à 37 ans à la tête de l’Etat. Lors de son adresse à la nation le 31 décembre dernier, il a indiqué que ce septennat sera celui de tous les enjeux. Vous y croyez ? Devrons-nous comprendre par là que c’est son dernier mandat à la tête du Cameroun ?

Il faut demander à Biya si c’est son dernier mandat, il a toujours détourné et déjoué tous les pronostics. Ne bousculons pas le papy, il a tout le temps de partir, il sera à 87 ans bientôt, faire 7 ans à cet âge, c’est énorme. Mais, il faut qu’il soit plus clair sur ces enjeux, il ne faut plus faire la politique des jeux de mots, cela sème le doute dans l’opinion.

A un certain moment, quand on est un doyen, on doit parler vrai. Biya aurait dit clairement c’est son dernier mandat, cela devait décrisper un peu le pays.

On surfe chez nous de plus en plus, sur le départ de Biya du pouvoir. Comment selon vous ce départ se fera ?Les ministres de Biya grâce à l’inertie institutionnelle ont accumulé des trésors de guerre avec l’argent du contribuable. Est-ce que ces anciens ministres ne constituent pas un véritable danger pour l’avenir du Cameroun ?

Pendant 37 ans, Biya a enrichi la bête, il a nourri des affamés avides de sang, d’argent et de pouvoir. Pour avoir le pouvoir, il faut avoir un butin de guerre. C’est ce qui a causé du tort à l’économie du Cameroun. Les collaborateurs de Paul Biya, les gens qui ont été aux affaires, les ministres et les directeurs généraux ont amassé au minimum dix mille milliards de francs depuis 37 ans. Imaginez le nombre de projets détournés, imaginez le nombre d’infrastructures réalisés, imaginez le nombre de vies volées en termes de qualité. Ses ministres sont tapis dans l’ombre, c’est clair que la guerre de succession aura lieu. Il faut compter sur le peuple qui finalement va se décider.

Vous qui êtes un acteur majeur de notre landerneau, l’alternative pour éviter tout cela passe par quoi ?

Il faut savoir que la transition n’a pas un visage protéiforme. Il y a trois grandes formes, qui vont se présenter : le clan des anciens ministres voleurs, puissamment armés, vous avez le clan que personne ne veut citer, mais pourtant c’est lui qui contrôle actuellement, c’est le clan de la première dame. C’est ce petit réseau qui va du ministre de la défense au ministre d’Etat Secrétaire général de la présidence de la République, et qui tourne par la culture. En gros, la première dame à suffisamment quadrillé et verrouillé le système pour ne pas être écartée. Elle compte jouer un rôle. Quand je dis la première dame, je compte tout ses pions, je compte tout son village, tout son réseau. Vous avez aussi l’armée. Ces gens qui peuvent exploiter la colère du peuple pour imposer l’ordre, mais en réalité se sera l’installation du désordre. Je ne crois pas à l’avènement d’un leader démocratiquement élu dans ce système.

Pour revenir sur ce discours de fin d’année, Paul Biya a consacré son message à la crise socio-politique dans la zone anglophone. Ce dernier continue de prôner un discours maximaliste, « cette situation ne peut plus durer » a lancé le chef de l’Etat. Est-ce qu’il n’est pas hors sujet aujourd’hui ?

L’armée camerounaise consomme au minimum 6 millions de Francs Cfa par jour. On n’a pas le temps de faire la guerre sur tous les fronts. Vous voyez que Trump a retiré son armée de Syrie, c’est pour des questions stratégiques, c’est vrai, mais c’est d’abord parce que cela coute extrêmement cher au contribuable américain. Aujourd’hui, ce n’est pas la puissance de feu qui fait le gagnant, c’est la stratégie et la maitrise du terrain. La première règle dans la stratégie de guerre c’est la maitrise du terrain.

Vous pouvez être suréquipé comme un Rambo, mais vous ne maitrisez pas le terrain. Entre les gens du Nord-ouest et du Sud-ouest qui sont chez eux et vous qui venez avec le zèle de Yaoundé, vous voyez que la guerre ne fait que commencer. Je pense qu’on a mal vendu cette guerre à Biya. On parlait tout à l’heure de son dernier carré, il est obligé de s’entourer des gens qui le caressent dans le sens du poil. Il ne comprend pas l’enjeu. On ne gagne pas une guerre contre les gens qu’on ne connait pas. Il faut négocier.

2019 est aussi une année électorale notamment avec les municipales et les législatives, Alice Sadio la présidente nationale de l’Afp, estime qu’il sera incongru, injuste et antipatriotique de poursuivre ce qu’elle appelle une « farce électorale ». Sérieusement, est ce que sans pacification préalable dans le Nord-ouest et le Sud-ouest, nous pouvons avoir des élections de proximité acceptables ?

Pour ces élections, c’est vraiment de la folie camerounaise. C’est comme si vous faites les mêmes erreurs, les mêmes choses, et vous vous attendez à un résultat différent. Qui peut croire que les municipales et les législatives seront différentes de la présidentielle ? Les locales seront d’avantage plus vicieuses et ne donneront aucune chance aux partis de l’opposition. Tous les leaders qui disent affronter Paul Biya, l’adorent et se détestent entre eux. Donc pas de coalition, pas de visions, pas de changement. Tout ces gens là ne peuvent même pas mangé ensemble. Eux-mêmes qui ne représentent déjà rien du tout.

Pour l’élection du maire, vous avez en face, le Rdpc qui met l’homme d’affaire le plus puissant, qui n’est peut-être pas aimé, mais qui a beaucoup d’argent et qui a beaucoup de réseaux et en bonus contrôle tout. Vous avez les autres partis là qui vont essayer de mettre un étudiant, ou un jeune ou quelqu’un qui n’a pas d’attache avec le système. Tous ceux qui sont en attache avec le système, qu’ils soient, commerçants, jeunes, chômeurs, ne peuvent pas se mettre en face du système.

L’élection locale est encore plus complexe que la présidentielle. C’est donc illusoire de croire que parce qu’on à fait 1% à la présidentielle, on peut faire 1,2% aux municipales ou aux législatives.

Seriez-vous acteur à ces élections de proximité ?

Je suis cohérent. Je me prépare pour l’échéance présidentielle avenir. Je ne vois pas pourquoi il est bon d’être maire d’une commune où un délégué du gouvernement vous donnera l’ordre de servir de la bouillie à votre population. Tout le système est biaisé, le maire n’est rien dans ce modèle de gouvernance, le député encore moins. Or, le député c’est le vrai visage de la démocratie. C’est le vrai élu du peuple. Si vous êtes un député à crier seul dans votre coin sur 180, c’est pour votre confort personnel.

Je connais un maire qui est un ami, comme bilan de ses deux années de mandat, il a construit deux duplex pour lui seul, rien pour la ville et rien pour le peuple. Si c’est pour le confort personnel, non merci, j’ai déjà une vie assez équilibré. Si c’est pour une révolution, elle ne saurait commencer par l’orteil il faut aller la cherché à la tête.

Vous disiez dernièrement qu’au Cameroun, les autodidactes ont tout inventé et les autocrates ont tout confisqué, non sans souligner que vous êtes le guide à qui on a confisqué le guidon. Trivialement vous vouliez dire quoi ?

Quand vous regardez la configuration du Cameroun, vous voyez qu’on a trop menti au peuple. Il ne faut pas être plus intelligent qu’un âne pour développer son pays, il faut juste aimer son pays. Vous voyez quand on nomme quelqu’un au Cameroun, le premier c’est le CV qui est tellement long qu’il vous remplit une page parfois deux, après quand il n’est plus en poste, c’est deux mettre carré à Kodengui.

La logique du développement ne s’accommode pas du bavardage et du long discours, il faut se mettre au travail. Ceux qui ont bâti le pays n’avez pas un long CV, mais ils avaient un petit truc : l’amour pour le travail. C’est la seule chose qu’on ne retire pas à un peuple. Aujourd’hui, les gens veulent juste détourner de l’argent pour mieux vivre eux-mêmes. Quand je dis que je suis le guide à qui on a confisqué le guidon parce que j’ai la profonde conviction que je suis un vrai leader, mais en face il y a des opportunistes. Vous êtes l’auteur de « Chroniques pour l’émergence d’une Afrique rayonnante » sorti en 2013. En 2015, vous avez publié « l’Afrique et son cancer du colon ».

Un nouveau bébé littéraire pour bientôt ?

Mon dernier ouvrage s’intitule la force de l’esprit. Je suis en cours de finalisation et d’édition. C’est 300 pages, je voulais faire un témoignage sur notre incapacité à nous développer. Je lie cela à notre dimension spirituelle aussi. Notre but sur terre, pourquoi nous passons, qu’est ce que nous voulons laisser à nos enfants, pourquoi le noir ne pose pas les vraies questions quand il a les vrais problèmes ?

C’est tout cela qui m’amène à comprendre notre place dans le monde aujourd’hui. Nous sommes extrêmement liés à la spiritualité qu’on a boycottée. Si vous ne mettez pas Dieu dans toutes vos actions, vous allez danser au palais pendant que les gens meurent en brousse. Vous allez voler le budget du ministère pendant que l’hôpital n’a pas 20 lits. Vous allez construire des duplex pendant que vous êtes délégué du gouvernement. Vous allez tout confisquer pour vous seul, des marchés publics, des routes, des écoles, vous allez tout accaparer et les gens vont toujours rester dans la misère.

C’est cette dimension humaine qui m’amène à croire que pour gérer le Cameroun, l’Afrique et le monde demain, il faut avoir une dimension surhumaine. Il faut aimer les gens pour vivre sur cette terre. Nous sommes tous en interaction. C’est cette interactivité qu’on appelle la religion. Il faudrait que l’Afrique ait la sienne, que le Camerounais ne se définisse plus comme un digne fils d’Abraham ou de Bouddha, alors qu’il a sa vie, alors qu’il a ses racines. Vous ne pouvez pas insulter vos ancêtres, les nier, vous ne pouvez pas cracher sur leur tombe, briser leurs crânes et espérer être respecté. Tous les peuples qui grandissent, c’est les peuples qui croient en leur rituel. Le rituel c’est ton père, le père de ton père, le père du père de ton père. C’est ce qu’on appelle la lignée et la lignée nous mène vers Dieu.

Notre journal lewouri.info a un an ce 13 janvier 2019, un mot pour nos lecteurs…

Je remercie toute l’équipe, vous êtes magnifique ! Vous faites un travail extrêmement délicat, vous êtes encore les derniers à acceptez la réalité. Il n’y a plus de journalisme au Cameroun. Il y a les grosses têtes qui veulent manger aussi, il y a les partisans.

Un journaliste doit se faire violence pour dire les choses, cela peut énerver, un journaliste n’a forcement pas d’amis mais vous faites encore la dernière résistance, je vous adore ! Joyeux anniversaire à vous, joyeux anniversaire à moi aussi, merci d’avoir pensé à moi. Je serai toujours disponible à apporter ma contribution pour la construction d’une société meilleure.