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Quand le silence se tait et laisse parler le poète Merhoye Laoumaye

Il n'y a pas à redire, au-delà de l'apparat esthétique, la poésie de Merhoye Laoumaye est davantage une poésie engagée. Une poésie qui dénonce, blâme et condamne.

Le monde va mal, Merhoye Laoumaye en fait l'amer constat et le déplore, comme l'ont fait d'autres illustres poètes avant lui : « Il le faut avouer, le mal est sur la terre » (Voltaire). C'est dire que même pour le poète, il y a un temps pour tout. Un temps pour conter fleurette, et un temps pour s'emporter —  comme le prophète dans le temple profané ; un temps pour s'ébaudir de la beauté des choses, et un temps pour se révolter devant la bêtise humaine ; un temps pour se taire, et un temps pour parler. Le silence se tait, l'intitulé du recueil de Merhoye Laoumaye est sans équivoque : double négation = affirmation. Le silence se tait, le temps est à la parole.

Ô Poète, nous t'écoutons...
 
« Révolte :
 
Oh ! quelle rage
Que de vouloir devenir sage
Lorsque les requins envahissent les étangs,
Lorsque les hyènes baignent les brebis dans le sang,
Lorsque l'injustice s'implante et le crime abonde,
Lorsque le souffle de la terreur règne sur le monde. »
 
Mais toute révolte n'est pas juste, ni justifiée...
 
« Génocide gratuit :
 
Au nom de qui tu t'insurges
Lorsque ton bras se lève sans ambages
Garni d'instruments à étêter les humains
Et décapite avec une violence inouïe ton prochain ? »
 
Comme une conséquence logique de ce qui précède, le poète se retrouve face à la mort. Il la tutoie d'un ton colère :
 
« Mort!
Hideux prodige !
C'est à toi que je parle ! [...]
Car moi, représentant morbide de l'humanité,
Je voudrais, je veux te connaître. »
 
La vie est aussi faite d'espérance. Espérance , c'est l'intitulé même de la deuxième partie du recueil. Aussi absurde et cruel que puisse être le monde comme il va, le poète admet maintenant d'une voix pondérée qu'il y a au moins une bonne raison de s'accrocher à la vie. C'est cette étincelle qui à défaut de nous faire vivre nous donne envie de vivre.
 
« Espoir :
 
Mon cœur tantôt chargé de suc d'horreur,
Se remplit de ton souffle opportun de vie
Redonnant à mon être sans envie,
Une bouffée caramélisée inaltérable
Et cette forme de vigueur commune à tous mes semblables. »
 
Et quelle plus belle illustration de ce que la force de l'espoir peut accomplir que la fabuleuse histoire de...
 
« Mandela, le baobab
Mandela ! Tu es la lumière du peuple opprimé !... »
 
Dans la troisième partie du recueil ( Souvenirs et consolation ), l'auteur nous met du baume au cœur en nous invitant à partager ses souvenirs d'enfance à Garoua, « la belle hirondelle qui se mire dans les ondes limpides de la Bénoué », puis il nous parle d' Elle , « sa belle tourterelle », mais aussi, dans Solitude , du vide laissé par son père...
 
Terminons la lecture en méditant sur cette pensée artistique : « La poésie de Lautréamont, belle comme un décret d'expropriation. » Cette image paradoxale à n'y rien comprendre est d'Aimé Césaire, révélée entre autres sources dans son poème libérateur à tout rompre Cahier d'un retour au pays natal. Il y a là représenté de plume de maître l'un des principes cardinaux du mouvement Dada, inspirateur du surréalisme d'André Breton. Ce principe, c'est la relativité de la beauté. La poésie de Laoumaye, belle comme une citation à comparaître ? Le lecteur s'en fera sa petite idée. Une chose est sûre, comme c'est souvent le cas avec ces curieuses statuettes de l'art dit premier, l'art reste égal à lui-même, indépendamment des conventions esthétiques. C’est-à-dire que la poésie est nourriture de l'esprit, Merhoye Laoumaye un maître. Au menu : Le silence se tait . Bonne dégustation !
 
 
 *Le silence se tait de Merhoye Laoumaye était en lice à l'édition 2016 des Grands Prix des Associations Littéraires (GPAL).
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