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Retrait du Cameroun de l’AGOA dès janvier 2020: Réponse musclée du gouvernement à Donald Trump

René Emmanuel Sadi

Le ministre de la communication, porte-parole du gouvernement camerounais, René Emmanuel Sadi, a tenu un point de presse hier 18 novembre à Yaoundé. Le membre du gouvernement réagissait ainsi suite à la volonté du président Américains Donald Trump de retirer le Cameroun de l’AGOA dès janvier 2020. Un mesure, qui, selon le chef d’État américain, est motivé par « des violations flagrantes des droits de l’homme internationalement reconnus », dont le gouvernement camerounais s’est rendu coupable.

Voici la communication intégrale du porte-parole du gouvernement camerounais

Mesdames, Messieurs, En date du 31 octobre 2019, le Président des Etats-Unis d’Amérique a informé le Congrès américain de son intention de soustraire le Cameroun des Pays bénéficiaires des facilités de la loi sur la Croissance et les Perspectives Economiques en Afrique, « African Growth and Opportunity Act », en abrégé « AGOA », et ce, à compter du 1er Janvier 2020. Cette décision, selon le Chef d’Etat américain, est due à « des violations flagrantes des droits de l’homme internationalement reconnus, dont le Gouvernement camerounais s’est rendu coupable ».

Par ailleurs et toujours selon le Président des Etats-Unis, il est fait grief à notre pays de « n’avoir pas répondu aux préoccupations concernant les violations persistantes des droits de l’homme, commises par les Forces camerounaises de Sécurité, notamment des exécutions extrajudiciaires, des détentions arbitraires et illégales, et des actes de torture »

A cet égard, et de prime à bord, Le Gouvernement Camerounais estime qu’autant l’éligibilité du Cameroun à l’AGOA procédait d’une décision souveraine du Gouvernement américain, autant l’éventuelle décision dudit Gouvernement de retirer au Cameroun le bénéfice des avantages de cette loi relève d’un acte de souveraineté que nul ne peut lui contester.

Pour autant, ce qui est contestable à nos yeux, ce sont les prétextes et raisons avancés pour expliquer ou justifier cette volonté du Gouvernement des Etats-Unis. Nous sommes en effet fondés à dire que ces raisons invoquées pour justifier la décision envisagée des autorités américaines, ne correspondent guère à la réalité des faits sur le terrain.

Elles procèdent à notre avis :

- Soit d’une ignorance, ou d’une méconnaissance de la situation réelle, telle qu’elle a prévalu et prévaut encore dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest ; - Soit d’une volonté délibérée d’ignorer cette réalité ;

- Soit alors d’une version travestie des faits par des observateurs de mauvaise foi, ou par quelques concitoyens qui ne font point mystère de leur dessein antipatriotique, celui d’œuvrer à ternir l’image de leur Pays, à sa partition ou à sa déstabilisation, mais aussi d’œuvrer à compromettre les relations d’amitié et de coopération du Cameroun avec ses partenaires étrangers, dont les Etats-Unis d’Amérique. En tout état de cause, il convient de rappeler les raisons majeures qui ont contraint le Gouvernement de la République à assurer une présence conséquente de nos Forces de Défense et de Sécurité dans les Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, à savoir :

- Préserver l’intégrité territoriale du Cameroun face à des séparatistes hors la loi qui ont pris les armes contre la République ;

- Assurer la sécurité des personnes et des biens dans les Régions concernées. En relevant que ceux sont là des missions régaliennes auxquelles aucun Gouvernement digne de ce nom ne saurait se dérober, le Gouvernement réaffirme que ces missions ont été accomplies et continuent de l’être en toute responsabilité, avec mesure et professionnalisme et dans le respect des droits humains, par les éléments de nos Forces de Défense et de Sécurité. A contrario, depuis le déclenchement de la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, on aura enregistré tant d’exactions et de méfaits, tous aussi insoutenables les uns que les autres, commis non seulement contre les éléments des Forces nationales de défense et de sécurité, mais aussi contre des civils, des familles entières, des citoyens et citoyennes de tous âges et tous sexes confondus.

On aura également enregistré des actes barbares et irresponsables de destruction des infrastructures économiques et sociales, au nombre desquels, des hôpitaux, des écoles, et bien d’autres investissements de grande envergure, qui contribuaient à la fois au développement des Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, à la création de nombreux emplois et à l’amélioration des conditions de vie des populations.

Il serait, à l’évidence, fastidieux, de rappeler ces nombreux méfaits, mais, comment s’abstenir de citer quelques uns des actes odieux perpétrés par ces hordes de sécessionnistes, des actes qui nous ont profondément heurtés et bouleversés, tant ils ont franchi les limites de l’horreur et de la cruauté.

On pourrait citer :

- La décapitation de Madame Florence AYAFOR, le 29 septembre 2019, par des hommes se revendiquant d’une République imaginaire de l’Ambazonie ;

- L’ensevelissement d’une femme vivante à Batibo, dans le Département de la Momo ;

- La découverte macabre le 20 octobre 2019 de la tête détachée du reste du corps, de l’Officier de Police, Paul WANE, en service dans la ville de Bamenda ;

- L’incendie de l’hôpital de district de Kumba, il y a quelques mois, avec un bilan de 04 morts, dont 02 brûlés vifs dans leurs lits de malades ;

- L’incendie dans la nuit du 30 au 31 octobre 2019, du Centre de Santé de Tole, dans la région du Sud-Ouest, qui a causé d’importants dégâts matériels ; - L’institution des « villes mortes » et le boycott des écoles et des hôpitaux, privant ainsi, d’une part, des centaines demilliers de jeunes camerounais de l’accès à l’enseignement et du droit à l’éducation, et d’autre part, l’immense majorité de la population du bénéfice des soins de santé élémentaires.

Voilà les faits, pour ne citer que ceux-là, aussi monstrueux que préjudiciables aux familles, aux populations des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, et au Cameroun tout entier. Face à ces situations, on se serait attendu à voir la plus grande puissance mondiale ajouter sa voix, une de celles qui comptent le plus dans le monde, à la très grande désapprobation internationale et au chapelet des condamnations que ces actes ignobles et abominables ont suscitées. Car, comment, d’un côté, accuser les Forces Camerounaises de Défense et de Sécurité, de violations des droits humains, ainsi que le Gouvernement de la République de « n’avoir pas répondu aux préoccupations concernant les violations persistantes des droits de l’homme, commises par les Forces camerounaises de Défense et de Sécurité, notamment, des exécutions extrajudiciaires, des détentions arbitraires et illégales, et des actes de torture », et, de l’autre, rester insensible et muet devant les atrocités innommables commises au quotidien par les groupes armés sécessionnistes dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest ?

De même, comment imaginer qu’une armée républicaine, consciente des exigences de sa mission et des responsabilités qui lui incombent, quant à la protection de ses concitoyens et de leurs biens, et ce dans les conditions difficiles que l’on sait, et qui plus est au prix de lourds sacrifices, puisse délibérément et paradoxalement infliger des traitements inhumains et dégradants à des populations qu’elle est appelée à défendre, à protéger et à sécuriser ?

Le croire, le penser, l’affirmer, tel que cela ressort des accusations du Président des Etats-Unis d’Amérique, n’est rien moins qu’un procès injuste, vis-à-vis d’une armée qui a toujours su, nous le réaffirmons sans ambages, assumer sa mission dans le strict respect des conventions et des règles essentielles qu’impose l’exercice du métier des armes, quand bien même nous sommes ici face à un cas d’affrontement asymétrique, entre une armée républicaine fondée à recourir à l’usage légitime de la force, et des bandes armées sans foi ni loi qui ont pris des armes contre leur Pays et la République.

L’incrimination, voire la stigmatisation de nos Forces de Défense et de Sécurité, sont d’autant plus incompréhensibles que celles-ci, en plus de protéger les citoyens, s’illustrent dans de nombreuses actions civilo-militaires, au profit des populations dans les régions concernées.

Sans être exhaustif, je puis citer à titre d’illustration :

- La reconstruction des ponts, des hôpitaux et d’autres bâtisses détruits par les séparatistes sécessionnistes,

- De même, la plupart des éléments des Forces de Défense et de Sécurité, ayant des qualifications multisectorielles, sont déployés au sein des établissements scolaires pour encadrer les élèves, en qualité d’instructeurs ou de professeurs, notamment, dans les localités où, du fait de l’insécurité, le personnel enseignant se fait rare.

En outre, il y a :

- Les soutiens multiformes apportés par les éléments des Forces Nationales de Défense et de Sécurité, non seulement, en matière de santé et dans la sécurisation des populations des zones affectées, mais aussi, dans la construction des points d’eau, l’octroi des dons, des aides alimentaires et d’autres aides spéciales aux diverses couches sociales desdites localités.

Au regard de telles actions vérifiables et qui portent témoignage des missions humanitaires menées par notre armée sur le théâtre des opérations, qu’il s’agisse des Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, ou de la Région de l’Extrême-Nord, ou même le long de la frontière avec la République Centrafricaine, les dégâts collatéraux qu’on a pu enregistrer ici et là, ne sauraient en aucune façon, porter atteinte à l’honorabilité des Forces Armées Camerounaises, une image honorable qu’elles ont su montrer et préserver aussi bien sur le sol camerounais qu’à l’étranger.

Au demeurant, aucune Armée au monde n’est exonérée des dégâts collatéraux. Les bavures des Forces de Défense et de Maintien de l’ordre, sont observables dans tous les pays, y compris aux Etats-Unis, sans que l’on puisse inférer systématiquement à un déni de démocratie dans les Pays concernés, ou à l’inexistence d’un Etat de droit. Sauf à considérer qu’il existe deux poids, deux mesures pour juger des avancées démocratiques des Etats, autrement dit, ce qui vaut pour les uns, ne l’est pas forcément pour les autres. Sous ce rapport, le Gouvernement camerounais estime qu’il y a comme un réel danger pour l’harmonie des relations internationales à tenter de consacrer le primat des ONG ou des groupes de pression dans l’appréciation des faits sociaux ou sociétaux, et singulièrement en matière de respect des droits humains.

Le Cameroun, en ce qui le concerne, est et demeure un Etat de droit, et à l’échelle de l’Afrique voire du monde, a tout lieu de tirer fierté de ses avancées en matière de démocratie, et plus précisément de respect des droits humains et des libertés.

Voilà pourquoi le Gouvernement de la République entend une fois de plus apporter un démenti formel aux accusations portées contre les Forces Armées Camerounaises, et en appelle à plus de discernement de la part des autorités américaines, afin qu’elles reconsidèrent leur jugement excessif, qui, de surcroît, semble occulter ou minorer les exactions horribles perpétrées par les hordes déshumanisées de séparatistes, et accablent péremptoirement les Forces Camerounaises de Défense et de Sécurité qui pourtant font leur devoir et rien que leur devoir au service de leurs concitoyens, et partant, de la Nation tout entière.

Le Gouvernement Camerounais ne peut dissimuler, pour le regretter, son étonnement face à l’absence dans le Communiqué du Président des Etats-Unis, de la moindre allusion, sans parler de condamnation, aux atrocités innombrables et innommables perpétrées par les bandes armées de sécessionnistes, dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, tant à l’encontre de nos Forces que des populations innocentes, alors même que de nombreuses banques d’images et de vidéos en témoignent sans cesse, notamment dans les médias et les réseaux sociaux. Qu’à cela ne tienne, et au-delà des récriminations de toutes sortes, les Forces Camerounaises de Défense et de Sécurité protègent les populations, s’emploient à garantir le bon ordre, la libre circulation des personnes et des biens, tout en veillant à mettre à la disposition des instances judiciaires, les individus auteurs ou suspectés d’avoir commis des exactions inacceptables et attentatoires à la dignité et aux droits humains.

Enfin, le Gouvernement Camerounais tient, par ma voix, à réaffirmer ici, tout l’intérêt et l’attachement qu’il porte aux relations d’amitié et de coopération qu’entretiennent le Cameroun et les Etats-Unis d’Amérique. Ces relations sont anciennes et mutuellement bénéfiques.

Elles s’enracinent dans un socle de valeurs que nous avons en commun, dont la centralité de l’homme et l’attachement aux droits humains. Nous tenons particulièrement à nous féliciter de la qualité de ces relations, qui se sont notamment traduites ces dernières années, par une coopération militaire et sécuritaire qui a largement contribué au renforcement et à l’efficacité de la lutte contre Boko Haram dans l’extrême-Nord du Cameroun. S’agissant particulièrement de l’AGOA, le Cameroun en a tiré avantage au fil des ans ; peut-être pas à la mesure des facilités que recèle cette offre et à l’aune de nos potentialités.

Mais le Gouvernement estime que l’AGOA est une offre hautement appréciable et appréciée, dont la vocation essentielle honore les Etats-Unis et donne du sens au rôle tout à fait louable que s’est assignée la plus grande puissance économique du Monde à travers cet instrument, celui d’aider les Pays moins nantis à se développer.

L’AGOA est une porte ouverte sur le grand marché des opportunités américain, et le Cameroun entend, en ce qui le concerne, continuer d’en tirer autant que faire se peut, parti, persuadé que, comme par le passé, le Cameroun remplit les conditions nécessaires à cet effet, persuadé également qu’il en va de l’intérêt du Cameroun, comme de celui de nos partenaires américains. Pour autant, nous estimons que, tout enjeu, si bénéfique soit-il, doit être et demeurer compatible avec nos précieux acquis que sont l’Unité, l’Intégrité et la Souveraineté de la Nation.